Pendant le weekend

Oublier Paris # 20

C’est en partant de la rue d’Assas, ce matin, que le spleen m’est venu : il y avait un rendez-vous chez le dentiste, avenue de la Bourdonnais, dans l’heure qui suivait, j’y suis allé à pied. Ce n’est pas si loin : croisant le boulevard du Montparnasse si cher à certaine nageuse, j’y ai vu cet attentat contre le roi des animaux (#160)

A moins qu’il ne s’agisse que d’un chien.

Continuer, il y a au coin de la rue suivante ce bar, « Au Chien qui fume », une auvergnate brasserie, comme celle « Au Chat qui pêche », je passe…

Le dentiste me parlant de ma tante : « ne croyez-vous pas qu’elle prend du bogomoletz ? »

J’aime savoir que des choses, dans l’entre deux guerres, sont advenues aux contemporains de mes grands-parents : leurs enfants (ma mère, mon père) s’en sont peut-être émus, ou en ont ri comme moi… Je n’ai plus pensé à cette dent à extraire, je suis sorti, et j’ai marché le long des rues. Clerc, Saint Dominique.

J’ai croisé l’esplanade des Invalides, là où vivait ma mère il y a des lustres : des mouettes, au loin la Seine,

le froid à peine esquissé.

Paris, en janvier.

J’ai marché, pensant à ces pleurs qui me viennent – sans doute le vent (le vent) – ou alors l’évocation de cette femme, ou de sa mère aux cheveux teints de mauve, Malou ma grand mère.

Au 33, cette capture (#161)

Au 27, cette autre

Sur l’autre trottoir, tout au long de cette artère, le ministère de la guerre : Niger, Afganisthan, Soudan, les lieux de ces déserts, de cette haine, de ces attentats. Ce matin ou était-ce hier, un enfant de six ans a été arrêté dans son école : il s’agit de notre sol, à Langeac, cet enfant se nomme Vazgen et c’est la honte qui m’étreint face à ces actions miliciennes.

J’ai continué à marcher, j’ai croisé le boulevard Saint Germain, on y prépare les soldes, la rue de l’Ancienne Comédie au plus vieux café de Paris paraît-il (le Procope, tu sais), obliqué vers le Tabou de la rue Dauphine, pris le Pont Neuf

puis sur la place Dauphine, cette réplique de la page de garde des Vases Communicants

Echanges de blogs, oui, littératures entrecroisées, aussi oui, mais qu’en est-il du reste du monde et de ces blessures assassines infligées à notre corps, celui qui nous porte et nous émeut, celui qu’on offre à ceux que nous aimons, qu’en est-il de ces enfants, de ces vies qui n’ont pas les papiers importants, j’ai repensé aux images de ce film, « Des Dieux et des Hommes », j’ai repensé croisant « ‘mon » ange sur la place du Châtelet

à ceux qui m’ont donné vie et jour, ceux-là partis à présent, mais semblables aux parents de ce Vazgen, à Langeac…

La Seine monte, elle bouillonne, je suis passé rive droite. Paris, certes, comme je t’aime… 

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3 Comments

    et comme je me suis offert une petite crise de nostalgie en voyant ma ville où tant ai marché !
    Le chien du début me semble être le lion de Némée, et il faudrait bien l’homme qui l’affronte pour venir à bout des sinistres défauts qu’on plaque sur notre pays

  • je vous suis dans vos pas , ceux du regardeur de notre monde , notre pays (?) , dans ce qu’il a de plus effrayant , et l’impression que progressivement le silence prend la place de la colère

  • La Seine ne bouillonne plus ici, ce 20 janvier : la colère en Tunisie a montré là-bas ce qu’était la force d’un fleuve populaire.

    Le saut de l’ange finit par se produire.