Pendant le weekend

Incendies

Dès le premier plan d’ « Incendies » qui est juste une merveille, on sait qu’on va avoir à faire avec un film de cinéma. C’est heureux. Ce regard face caméra en dit long : c’est celui du fils (on ne le sait pas, là)

 

Cet enfant de six ans qu’on rase, dans un orphelinat, abandonné par sa mère, parce qu’elle l’a eu et fait avec un homme qui ne plaisait pas à ses frères (les prochains plans du film montreront l’assassinat de ce père) : sa mère, appelons- la Nawal

 

le film nous en contera son histoire, narrée par deux de ses enfants, Jeanne et Simon, des jumeaux

Mélissa Désormeaux-Poulin (Jeanne) et Maxim Gaudette (Simon)

 

qui, venant d’un Canada en paix, recherchent dans un pays dévasté par la guerre, bien des années plus tard, leur père, leur frère, car ce sont les dernières volontés de Nawal.

Une narration est un tricot, les fils ne sont qu’un, on les suit, on sait qu’ils finiront par former un dessin, une ébauche, une illustration. Une oeuvre. On aime qu’ils se résolvent en une création esthétique ou sublime, splendide, qui nous fera pleurer ou rire, les deux, on aime la catharsis. Le plan de la jumelle

dans l’eau de la piscine est magnifique (mais je l’ai manqué).

Son frère jumeau est un garçon outré par l’attitude d’une mère, Nawal donc, qui semble-t-il, ne les aime guère.

On saura pourquoi. On saura pourquoi pourtant elle les aime.

On saura les méandres. Deux naissances plus tard, quand même le violeur-snippeur s’en tirerait sans dommages, même intérieurs. Car tout se passe au corps de la femme, ici : elle enfante, elle chante, elle continue, sa fille continue elle aussi, tient bon, se bat et oblige son frère à se tenir à cette promesse faite par leur mère : retrouver et le frère et le père, et leur porter ce qu’elle pourra alors emporter avec elle, sa pensée et sa mémoire.

On saura aussi pourquoi, au générique de fin

(fonctions en blanc, noms en rouge) le réalisateur apposera un

« A nos grands mères »

qui, moi, m’a fait penser aux miennes… Ici, voici la grand mère de Nawal qui la sauve et sauve son enfant.

Ici comment elle parle à sa petite fille, qui vient de perdre, tué par ses propres frères, le père de son enfant à naître

Nawal (Lubna Azabal) et sa grand mère

Aider oui, mais le retrouver, subir la loi de la guerre, ignoble, indigne, horrible, idiote et lâche

si révoltante que la vengeance apparaît obligée. Nawal donc se vengera, passera quinze en prison, violée, battue, mais toujours chantante.

Un conte. Une histoire, cette histoire-là, de meurtres, de tueries, de cette violence aveugle et sourde qui prend les hommes au détour de leurs sales guerres car toutes le sont.

Alors peut-être, en ces jours de joie et de liberté, comprendre que vengeance et tuerie doivent, devraient, pourraient si les hommes le voulaient, cesser un peu. Complètement. Ici, l’infirmière (Baya Belal, magnifique) qui a sauvé les jumeaux, pour qu’ils vivent et brisent le cercle vicieux de la vengeance.

 

Du cinéma, comme on l’aime.

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