Pendant le weekend

Oublier Paris #31

On pourrait faire de même avec toutes les rues de Paris (plus de six mille billets), les parcourir d’un bord à l’autre, prendre quelques clichés, illustrer le détail, remarquer quels sont les individus qui ici ont vécu (les livres de Didier Blonde en poche) et marcher, encore même si nos pas, on sait bien où ils nous conduisent.

Hier, depuis quelques jours, il fait beau sur Paris.

La ville, les couleurs, l’air lui-même tout est brillant. Je suis passé sur le quai venant du parc. Je n’avais pas d’intention (je n’ai jamais d’intention, sauf aux vases communicants, et encore), je pensais (comme souvent, ces temps-ci) à ce travail virtuel (mélico) et aux autres, les différences et les relations, je pensais au temps qui passe… Il y a sur cette rive du canal (mais laquelle est-ce ? la droite ? la gauche ? Un canal n’a pas de sens, alors ce doit être celle du sud, je suppose, si celle d’en face est au nord) beaucoup trop d’immeubles immenses d’habitations comme on dit de nos jours.

Des travaux un peu partout aussi, on marche. La Centrale, il y a peu, avait cet aspect

on s’est entiché de la détruire, ainsi commença-t-on

ainsi pourtant était-elle

Il faut que changent les choses.

Sur le quai, en effet, les choses avancent

et la destruction est en marche

on passe, car le temps presse

la fresque due à Da Cruz est en passe de disparaître – tel est son destin, comme le nôtre – on avance

laissant derrière soi cette relique, revenir cependant, fixer un peu au moins

le temps qui s’enfuit, des immeubles d’habitations, mais se souvenir des belles choses,

le long du quai, oui, probablement mais des gens, qui lisent ou qui pêchent

 

il y a là le pont levant de Crimée, le quai de la Marne qui s’en va, on retourne, ici

 

cette petite plaque au dessus de la grande, plus neuve peut-être, le mont Gerbiers des Joncs, on se souvient de la 10°, on se souvient des cartes de France en plastique qu’on détaillait et décalquait, on se souvient des couleurs et on marche devant soi, les vélos

le règne de la petite Reine un peu différente

on avance, à sa gauche des immeubles, à sa droite des arbres et des orgues

où vivait (j’invente, ou j’ai de la mémoire ?) la nourrice du petit

batteur du 103 bis (les deux, oui), je ne sais plus, on regarde devant soi, on regarde sur terre

oui, est-ce l’automne, est-ce ce temps doux, on repense alors là-bas, souviens-toi, l’hôpital, c’était en juin, souviens toi en marchant je me souviens, les maladies infectieuses aujourd’hui, ne pas penser à ça, mais plutôt avancer, le bruit de l’eau

ici un hôpital de jour, je me souviens, des immeubles d’habitation, quelques restaurants et quelques bars, le quai de la Loire, oui, le parcourir et croiser

les gens qui passent, le portable à la main comme moi, regarder le ciel qui bleuit

des gens travaillent, il est deux heures et demie, là-bas brille la paix disait Claude Nougaro (« Paris Mai »)

et les chansons brillent aussi, je me souviens de ce temps où je marchais sur le quai, Anatole France, celui du fleuve, je me souviens qu’alors mon frère vivait en Italie, et ma mère rue Fabert, les beaux quartiers, je me souviens de lire « Aurélien » dans le métro et de ne prendre le métro que pour lire, parce que, parfois il sort de terre et nous découvre Paris

ma ville, mais sans ceux que j’aime ?

Jamais.

 

 

Billet dédié à mon  frère et au Chasse-Clou. 

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2 Comments

    encore merci pour la balade

  • Le Chasse-clou, même planqué sous un autre nom, te remercie !

    Marrant, car hier j’étais de l’autre côté, quai de Seine, c’est-à-dire en face, dans une salle obscure avant de retrouver le ciel bleu Provence, les métros en l’air comme les têtes et la chanson tenace « Nights in White Satin » à cause du film de Bertrand Bonello qui ne craint pas de faire valser le(s) temps (lui il a toujours un « s »).

    J’aime tes photos et leur puzzle et la musique des mots alliée aux images. Tout cela fait une carrousel lancinant.