Pendant le weekend

Carnet de voyage(s) #43

Photos avant texte

ou texte avant photo ?

Idée de faire des sons, traquer peut-être (que je n’aime pas ces mots), ou musique avant texte et photo ? J’ai reposé AZ son concert sur A au FDV (72 jours me restent), sa maison fermée (la cabane du pêcheur d’Amalia était sur la bande son de mes années à un chiffre), regarder au loin la ligne bleue de l’horizon

(elle est grise depuis un moment ici, et d’horizon, sinon celui de Patrick Modiano, il n’en est guère en ville), la matinée passée avec la pluie (les images ne correspondront que plus tard), l’après-midi après un salep dans ce bateau

un fanta, je me souviens comme nous étions seuls et comme cette salle était belle

un sourire tzigane (« Enterrez-moi debout » ou « nous on n’en parle pas », je n’aime pas les peuples parce que les catégories me contraignent, mais comme j’aime les Tziganes et leurs musiques et leur joie de vivre et leur amour des enfants c’est moi comme Bovary l’était de Gustave), les bateaux

tu vois, je me disais que sur le lac Léman nous n’avions pas pris la navette vers Lausanne, nous étions restés du côté français, la Suisse bien sûr, mais enclavée, le sourire de mon oncle, ses deux dalmatiens Alix et Adémar, l’herbe qui était sur la plage à la place du sable, doux, jaune clair, beige, chaud, ensoleillé, illuminé, blanc, sans doute les années à un chiffre alors que les lustres atteignent la douzaine, « votre fille a vingt ans, que le temps passe vite », le voilà parti (mais il n’était pas au Panthéon, tout comme Théo Sarapo, ils avaient quelque chose de trop contemporain, étaient-ils proches ? éloignés ? citoyens du monde ? sans appartenance à un peuple ?) ce sont des questions qui se posent lorsque, au détour d’un voyage

voilà qu’un homme s’installe non loin, sur le reste du monde pose un regard amusé, tenant en main un verre de thé qu’il vient d’aller chercher au bar du bateau, ainsi le savoir vivre, au loin dans son regard c’est le Bosphore, au loin sur la jetée, un homme passe vendant des sortes de friandises, je crois

au loin le petit Palais où on ira tout à l’heure, l’Asie, la rive gauche du Bosphore, c’est Beyoglü, l’Europe encore, la Corne d’or est en Europe, un nouveau pont y est jeté

pour le métro, dit-on, l’Europe en Turquie ? Il y a de nos jours sur les murs du métro des images qui montrent un pays de sable et de grottes, qui vantent des heures oubliées, les femmes y sont vêtues de robes, la plage est là, le sable jaune, beige, chaud, comme hier à Kélibia, illuminée ensoleillée la mer est là, chaude sans doute comme lorsqu’à Salammbo ou Gamarth, tu te souviens j’avais dix ans, la Croix Valmer ou Gigaro, nord sud, un dialogue

une envie de paix

de tranquillité (mais n’est-ce pas cette quiétude que la mort signifie ?), alors vivre oui, tanguent les navires sur les vagues de Marmara, au loin les haubans du pont lancé sur le Bosphore

à son pied asiate le petit palais de tout à l’heure

les gens qui en sortent (le type, avec un jean à l’intérieur distribue des chaussons en plastique, genre hôpital, aux visiteurs; entrée du palais gardé par deux magnifiques fauves : 20 lires quand même)

les habitudes alimentaires vestimentaires langagières

toutes autant culture

le monde entier et l’idée qu’on s’en fait, aller à Clichy, se poster une demi-heure à la terrasse au soleil, le monde passe et la Terre tourne encore, et la musique, est-ce le texte

sont-ce les photos ?

Les choses dans notre coin, ce n’est pas une offre généreuse, non, mais c’est une façon d’exister (il en est d’autres, bien d’autres, tant d’autres et les amis et les enfants et le reste du monde), j’ai pensé aux roses

oui, je suis allé restituer comme on dit dans un théâtre, j’ai entendu ce libraire au si gentil sourire dire son émotion de ce lieu qu’il retrouvait trente ans plus tard, et c’est cette égide-là sans doute qui rend donne assure confiance, « les choses vont comme elles vont de temps en temps la Terre tremble », des paroles de chansons

tandis que la tour Léandres reste au coin de l’eau, est-elle en Asie, est-elle en Europe, qui s’en soucie, pour ma part je m’en fous, ce qui me plaît, c’est vivre, voir le sourire, les plis au coin des yeux, tes lunettes rouges, celles rondes et noires sur ses cheveux bouclés et noirs, et son rire et le tien, voilà tout, la musique, la photo (voici le bac)

le texte, l’un avant l’autre après et ensemble le lien avec le monde

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