Pendant le weekend

Oublier Paris #49

Ainsi donc le monde est revenu. Dans le métro, on se bouscule mais on ne s’invective pas, dans les rues on ne klaxonne pas encore, on porte encore ses bermudas et ses espadrilles, ses tongues, ses tatouages et ses débardeurs, ses habits du samedi dimanche et derrière soi roule la valise, le soleil commence à décliner et la température chute, les ciels sont moins cléments, il y a de l’automne dans l’air, déjà, les jours se plissent

déjà il fait froid

sur la platine tourne comme dans la voiture de location de cet été « Buena Vista Social Club »

à plus tard a été remis la poursuite de « tout sur ma mère » (TSMM) dont certains disent qu’il s’agit d’un « vaste projet » en effet, je retourne fréquemment

(toutes les semaines, le samedi souvent – alors la porte de la rue est verrouillée, il faut aussi sonner, les choses ne sont jamais simples, les ascenseurs glissent dans la soie, dans cet immeuble qui souvent fait souvenir de l’assurance-vie et du journal ouvert aux pages de l’immobilier dans lequel elle avait trouvé ces appartements, elle qui se repose dans la chambre qui a vu les derniers instants, le dernier regard et le dernier souffle de cette mère) fréquemment c’est chez elle que je porte les fleurs, pour elle

non pas elle mais sa soeur, je me comprends disait l’autre et son frère qu’on surnommait « Joujou » prénommé Georges, qui zézaillait un peu, ses lunettes et sa calvitie, son travers pour le jeu, lui qui repose sur un flanc de colline à Meudon on y voit Paris au fond, on y voit la Défense sur la gauche, on y aperçoit la ville, sa tour Eiffel ou Montparnasse c’est tout un, dans la Golf rouge je l’y avais conduite, elle, lors de cet enterrement, les choses vont comme elles vont, c’est donc la fin de l’été, c’est donc ainsi que les hommes vivent, souvent je passe par cette rue, souvent le rideau de fer est tendu et la vitrine se cache, ce soir, hier soir, il n’était pas sept heures, hier, dimanche se souvenir de l’émission du dimanche soir, vers sept heures aussi bien où on commençait à se soucier des devoirs pour le lendemain, j’ai conçu un autre billet « sur le bureau » composé des emplois occupés au long de cette vie comme Perec faisait la liste des lieux où il avait dormi, un nouvel appareil et un nouveau logiciel de traitement des photos, « Dos Gardenias » et la trompette, alors voilà, on est revenus et dans les yeux se trouvent encore les images du bac qui relie Oropos à Erétria, restent aussi celles des oliviers du jardin et celle de l’eau qui souplement glisse sur les bras quand on y nage, le soleil était là, le vent était chaud doux lent comme l’eau, parfois les vagues, alors voilà, il y a eu aussi ce passage dans les champs

les récoltes les machines qui parcourent les routes les gyrophares et les petites automobiles, les bouchons et les valises, les attentes et les embrassades, les retours et les regards vagues et perdus au loin derrière l’horizon

il y a la ville où nous vivons, ce petit restaurant pakistanais de la rue Louis Blanc où nous dînions avant, ou après, je ne sais plus, un film au Louxor

(avant, et c’était Maison de bambou, Samuel Fuller, 1955) il y a des images de toutes ces soirées d’été, peut-être seront-elles sur le bureau, ici, elles ne seront que cinq, les jours se sont plissés, les journées sont passées, sur Paris le ciel s’est couvert

je suis allé la voir, l’une de mes soeurs s’était tournée vers le mur ainsi que l’autre un autre jour, allongée à l’article d’une sorte de maladie malaise je ne sais, mais la position était la même, le chien aboyait comme à l’habitude, les fenêtres donnent sur une cour, cette pièce qui l’a vue disparaître voilà bientôt cinq ans, le manuscrit qui attend que je veuille bien le terminer, le continuer, l’enrichir, celui du Maître du Monde qui prend des couleurs et qui se fond dans l’histoire et la réalité des conflits, des souvenirs, des raisons pour lesquelles les choses ainsi se passent, je me souviens qu’il y avait, avec cette autre tante, M., celle des vignes et des oliviers, cette raison de céder l’une des enfants puisque la force des choses voulait que M. ne put en avoir, il y avait aussi cette histoire qui voulait que des enfants aient été retrouvés morts, cette autre qui disait que les meubles, à chaque fin de mois de juin, étaient transportés à la Marsa, était-ce le palais d’été, peut-être pas si palais, pour les quelques semaines de l’été où l’air est irrespirable, la chaleur souveraine et le soleil implacable et royal comme il se doit, j’ai appris que l’animal emblème de la ville où nous vivions était le lion, « Candela » chante le disque, l’un de ses préférés, le film qu’elle vit au Balzac je crois, et le temps en est passé, je me souviens de son regard et ses dents grises, ses bras qui avaient grossi et de son regard, derrière ses lunettes, de son rire et de sa joie de vivre, de ce plaisir de rire de la tête des politiques dans le poste, je me souviens d’elle et je passe mon chemin, la rue tourne comme la roue, je regarde la ville où elle a voulu venir s’installer, je regarde les rues, les places alors que je ne voudrais qu’une chose, une seule, peut-être, ce serait contempler encore une fois sur l’horizon le coucher du soleil….

Alors oublier, Paris

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2 Comments

    et s’oublier, manière douce de s’égarer, alors que l’on vous suit dans votre chemin de mots

  • et nous donner, puisque c’est aussi ce que vous faîtes, un condensé parfait de ce que vous écrivez, semblable et différent