Pendant le weekend

Mona à Pompide

 

 

Ce qu’elle questionne, cette femme-là, cette artiste donc, ce dont elle parle et qu’elle met en scène, c’est sa/notre présence au monde. On trouve des cartes, des tapis (elle aime les tapis, elle les aime tant qu’elle les sculpte, ou les fait sculpter), des choses bizarres, quelquefois, des performances dit-on (on performe quoi, quand on pratique la performance ? n’est-ce pas un mot du vocabulaire sportif ? aller plus vite, plus haut, plus loin ? depuis toujours, je me suis méfié du sport : au vrai, non, mais dès la sixième où on me demandait de courir autour d’un stade idiot de quatre cents mètres de tour, je me souviens de l’asthme, je me souviens de cette pression qui enserrait ma poitrine, le regard du professeur -il m’aurait, s’il avait pu, traité de mauviette ou peut-être quelque chose de plus vulgaire, on performe alors ? non, je n’aime pas) je n’ai pas regardé donc, seulement quelques uns des objets qu’elle nous a donnés là. Nous venions voir quelques photographies (laides, on n’est pas resté) : ce n’est pas qu’on cherche en allant dans ces lieux quelque chose de l’esthétisme qui voudrait que les choses soient dites comme il faudrait qu’elles le soient selon une loi non dite instituant le beau, non, mais la visite du musée a quelque chose qui veut qu’on y trouve du sublime. C’est ainsi qu’on l’envisage : moi, du moins et pour le reste, bien faire et laisser dire.

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On est arrivés tard, le temps était couvert (pratiquer la liaison, trouver l’alexandrin).

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Au fond, on aperçoit sur la ligne du ciel, la sombre présence du Sacré Coeur (Choucroute, merde à monsieur thiers sans majuscule) et au premier plan : le monde représenté par des billes d’un centimètre de rayon, transparentes, un certain nombre, ce n’est pas que le monde soit quelque chose de merveilleux, tu comprends, non, mais vu de ce côté-là du miroir, il le deviendrait presque.

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Ici au fond, assise la personne qui surveille, et loin derrière les vitres, l’église de Saint Eustache (on travaille à la réfection des ex-halles de Paris, et ça vous est d’une terrible et pharaonique prétention : d’ici au moins n’en voit-on rien). On aperçoit au fond cette lumière rouge qui vient d’un globe.

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Une des merveilles du monde, incliné sur son écliptique…

Juste devant, une sorte de machine utile peut-être : un axe, un moteur, sur l’axe fixé transversalement une sorte de peigne qui ratisse le sable ici l’aplanit là : une autre merveille (mes excuses pour le point qui manque).

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Le bras sur son axe tourne, tourne encore, est-ce à l’inverse des aiguilles d’une montre ? Probablement.
Au mur adjacent, fixée cette photographie (ce sont les bleus et les blancs de mon enfance, les côtes de l’animal, les crocs de boucher, la chaleur)

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(le « coiffure dame » suggère une entrée au cabinet des curiosités du notulographe, je le lui fais parvenir, peut-être ira-t-il à l’invent’hair ?), continuer, trouver sur sa gauche cette salle dangereuse

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attention redoublée : des tissus sont étendus, trois pinces à linge, des fils, le savoir et le faire, les couleurs magnifiques

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ressortir entier, à sa droite revoir le monde tel qu’il se présente

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rouge sang ? Les fils de fer barbelés suggèrent aussi quelque chose de nos difficultés à garder la paix, à vivre seulement

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passer entre les fils, trouver son chemin sans s’écorcher vif ? Continuer, oui, avancer, l’esprit ouvert, la joie de vivre avec de la lumière

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j’oublie les bras arrachés, les gorges tranchées, j’oublie les hectolitres de sang déversés chaque seconde sur ce monde, je ne garde par exemple que ce geste de petite fille

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et l’amitié du bras passé autour de ses épaules, tandis que Mona Hatoum explique son travail, son voyage à Londres, qui devait durer une semaine, et qui s’y est prolongé trente cinq ans, on sort, dépêchez-vous on va fermer, le gardien trouve la porte trop lourde, on sort, on s’en va

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au loin Paris s’endormira plus tard, les lumières s’allumeront, le jour s’en va, on marche, en ville (cette réflexion, ce reflet, cette tentation de doubler les photos, pour n’en pas manquer-pas à chaque fois…)

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Sans photo addendum : deux mille deux cents cubes de savon de Naplouse (on pense à ceux verts d’Aleph, dans le film, à voir mais manqué, « The Cut » (Fatih Hakin, 2014)) , ornés de billes de rocaille fines et rouge sang marquant des limites, des frontières, des dispositions régies par des lois non écrites (les accords d’Oslo) déterminées, pour une part et par négociations, par quelque « peuple fier et dominateur » (ce mot, de ce général (qui n’était certes pas juif-« personne n’est parfait » ah Billy Wilder…-, mais certainement pas moins « fier et dominateur ») a quelque chose qui me fait souvenir de l’humoristique « je rase Paris » de mon amie et grand-mère maternelle née Louise, avais-je alors quatorze ans ?).

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3 Comments

    je n’aime pas non plus ce mot de performance (mais ça va vite pour se faire comprendre, alors on l’emploie)
    j’aime les tapis
    j’aime la vue que l’on a en montant ou descendant dans le serpent vitré
    l’ai pourtant beaucoup emprunté, par tous temps et à toutes heures, pendant des années, mais toujours un moment ou à un autre, l’émerveillement

  • Le Centre Pompidou (malgré tes acides critiques parfois) montre des expos avenantes, avenues, sans prévention, sans obstacles autres que l’entrée dans l’espace déployé.

    Il est vrai que la vue panoramique qu’il offre aide à s’évader aussi…

  • @brigetoun : la vue de la salle du 5° au fond est aussi magnifique… merci de votre passage
    @Dominique Hasselmann : la « grande maison » a quelque chose d’un peu convenu, convenable, inconvenant : élitiste me semble-t-il… mais j’aime beaucoup y aller (et les présentations sont souvent, en effet, très intéressantes). Merci de ton passage