Pendant le weekend

Ateliers 18.23

23. consigne : paysage, cinq fois

du paysage remplaçant la notion d’image, comme incluant l’observateur, et tenant compte de l’organisation de la ville par rapport au point d’usage ou d’observation, cinq notations selon différentes insertions de ce point d’observation, selon le même principe de discontinuité narrative que dans la 21 (c’est important)
La centrale électrique

 

Il y avait au loin cette cheminée, le haut en avait été ouvragé dans les bleus pour le faire disparaître au profit du ciel – on appelle ça du green washing de nos jours, faire apparaître du beau et de l’éthique dans ce qui n’en possède pas – ce n’est pas non plus sa fonction alors pourquoi cette hypocrisie ? on trouve aussi ce type de travail sur les cheminées, parfois d’usine d’énergie nucléaire, ils te flanquent un bambin nu et des fleurs – et sur le site, « attention aux accidents » – et Three Miles island, et Tchernobyl, et Flamanville… – je m’égare, c’est là, ça a été là : deux carrés blancs, un petit un grand, sur le grand poser la cheminée, un autre vert, un ou deux cylindres

une petite maison sans doute quelque chose de l’octroi, de la douane, ou du régisseur du canal, quelque chose, le pont du chemin de fer, l’hôtel le quai, tout est là, des arbres (on va en garder quelque uns, tu sais, une essence ça ne se gaspille pas – on fait attention, on les entoure de bois de palette,on y prend garde)

et puis plus rien, un terrain vague, la petite maison, les arbres du fond – ceux du premier plan, virés, panneaux indicateurs, mise en place d’emprises sur le quai, on a des trucs à faire, c’est la ville, on construit, on bâtit, on promeut on vend sur plans et dessin, ce sera beau, ce sera bien disposé, c’est comme ça, élégant et pratique – on dit « fonctionnel » – facilité de paiement, dans du neuf avantages fiscaux, tout est dans la même classe, entre soi on peut trouver des terrains d’entente, ici, ce sera beau, ce sera bourgeois bohême car le parc, immédiatement à proximité, juste là, cent mètres à tout casser, apporte sa caution de verdure, de calme et de tranquillité – le musée celle de l’intelligence – des jeux pour les enfants, tout a été pensé, intelligemment et avec une certaine idée du bonheur

ça a bien changé, ça édifie, il y a maintenant trois grues, ça n’a pas commencé il y a plus de dix ans, l’est parisien, et le retournement de l’édile – tu te souviens, le coup de surin dans le ventre, au soir de la première nuit blanche ? la gauche au pouvoir une première adjointe élue du quinze, où va-t-on chercher tout ça ? on avance, deux mille dix peut-être, elle n’était pas aux premières loges des affaires, les murs de la centrale étaient couverts de graffitis de Da cruz et d’autres, un collectif que tu as vu à Beaubourg, et puis un jour, un soir, ça sortira du sol, des cubes de béton, agrémentés de terrasses privatives, on y posera des chaises longues pour les bains de soleil, des parasols dans des tons joyeux, sur le canal passeront les chalands, les petits enfants en laisse divagueront assurés sur les quais, les parents seront heureux, en face, il y aura le marché – une autre classe, mais de l’autre côté – il n’y a pas à dire, le coin est beau

bien situé, il y manque un peu de soleil – le quai d’en face est plus éclairé, mais qu’importe, une opération immobilière, des immeubles dans les marron, dans les noirs, dans des tons chics – ce qui se croit chic c’est beau – je me souviens de D.D. Lewis jouant le rôle d’un modiste « ne parlez pas de chic !» disait-il agacé, non c’est chic – en bas on posera délicatement des bars à heures heureuses et à petits déjeuners continentaux, dans la charte de travail des serveurs il sera stipulé le sourire et l’avenance (l’avenance, oui, tout est là)

un tablier dans les tons de la marquise, plus des vins de qualité et de propriété, propres sur soi, femmes aux décolletés espiègles, hommes tatoués chignons au besoin, un semblant de ressemblance avec la clientèle, cocktails et jus de fruits pressés devant vous, installez-vous, faites comme chez vous, d’ailleurs vous l’êtes – il fait beau sur la ville ? on posera quelques musiques douces, ou engagées – reggae de bon ton et bons morceaux classiques – ne pas défrayer la chronique ni effrayer le passant, le commerce et la joie de vivre, voilà, c’est là, on a démonté les grues, on a nettoyé les accès, on a replanté des arbrisseaux, des buissons, décorés comme il faut de quelques œuvres d’art contemporain, dans des halls de marbre, garages deux voitures la petite pour madame, le garage à vélo, électrique, le matin les plus jeunes, les plus endurants, iront en costume – short, leggin, tshirt, couleurs criardes ou selects, chaussures à deux cents – non, pas par des enfants, non, produites dans les normes du moment, bien sûr une dimension planétaire, un doigt de respect pour le travail d’autrui – noeuds dans les cheveux ou tissus éponges élastiques dans les tons du t shirt, on courra, au bras on disposera d’une station qui indiquera (en connexion directe avec le reste du monde) rythme cardiaque distance parcourue charge restante des piles, d’autres choses on n’imagine pas, dans un étui panoramique – vendu en kit – on courra pour la forme, pour éviter le cholestérol ou autre chose dans les trente ou quarante prochaines années, on tient à la vie, belle au bord de l’eau, un dimanche, il fait beau, le matin, tout est calme au loin dans les oranges monte l’astre, doux, chaud, tranquille sans auto, sans camion, pont de chemin de fer hôtel eau calme et gracieuse reflets doux la qualité des verts les arbres vivent et respirent les herbes douces au vent se donnent un espace de liberté un coin de paradis

 

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