Pendant le weekend

(12 septembre 926) Atelier d’été 18.43 (et 42)

consigne 43 : frontière close & ouverte

phrase clé : ce qu’il vous resterait à écrire –- à la fois comme une coda ou un prolongement vers le livre possible, mais surtout parce qu’en nommant ce qui n’a pas été écrit on remultiplie les échos intérieurs dans la limite même que constitue le texte déjà écrit

Ce qu’il me resterait à écrire*

il faut que ça tombe le 12 septembre – on s’en fout – au loin, ma mère est morte – tu te souviens de ce jeune Doi(s)nel qui trouve cette explication géniale – demain, dans dix ans il y aura vingt ans – c’est aussi que quand on pense à Doi(s)nel, Antoine on pense à (madame Tabard) Delphine Seyrig, c’est comme ça (sa mère s’appelait Hermine…)

– en se retournant vers l’est, vers les moulins transformés par les banques, entre le périphérique et eux, les voies de chemin de fer, il y a beaucoup de choses qui se sont passées (le train allait, par exemple, à Metz ou à Longwy — haut, bas et la radio qui là-bas, dans ces époques-là -), il y a tant de choses à revoir, il y a le passage du convoi numéro soixante sept (avant hier, je lisais que Marceline avait emprunté le convoi soixante et onze et n’avait pas seize ans), il y a cette domiciliation rue Alibert (le monde est étrange) dans le dixième – Alibert était un médecin qui oeuvrait à l’hôpital Saint-Louis – au 24 se situait une annexe des pompes funèbres municipales jusqu’après guerre où elle fut détruite – il y a le numéro qui lui avait été tatoué, il portait le même prénom que mon autre grand-père, il y a ces choses noires et profondes qui marquent quelque chose mais ce n’est pas le souvenir, non, ce n’est pas non plus la mémoire (ni pardon, ni oubli), il y a ces personnes-là, mes grands-pères, et mon père et sa femme, ma mère, il y a tant de choses qui ne se diront plus – quelque chose de l’intime qui se perdra, qui se perdait déjà hier – « la joie venait toujours après la peine » t’en souvient-il –

alors il faudrait aussi supprimer les tirets, sentir comment vont les phrases, et les faire cesser leur manège inutile et creux mais ça ne se fera pas non plus, il y a dans l’air ce doux relent du passé qui flotte, aux portes bruissent les rideaux de plastiques colorés, ces images de l’autre côté de la mer, aussi bien, on attend là, à regarder passer les saisons, le coeur battant et les yeux qui se mouillent (c’est que l’automne et le vent arrivent) faire quelques photos, aider les enfants, écrire quelques mots de plus, ou cesser – il fait beau, il fait doux, passent les jours et passent les semaines disait le poète né à Rome, ni temps passé ni les amours, sous le pont Mirabeau (et Léo qui met ça en musique)

 

 

(technique) consigne 42 : interstices

chacun.e a construit par accumulation de facettes un texte long et complexe, mais qui peu à peu prend sa voix et son chemin propre, maintenant on tente de relier par des textes les propositions disjointes

Ici un des belvédères de Gênes, une des villes qu’il aurait fallu prendre pour modèle, ou standard ou décor toile de fond – mais non : à l’image, le port de conteneurs et la lanterne, un couple d’amoureux (ou deux) un type (ce pourrait être moi aujourd’hui, ou Benoît Vincent dans trente ans) qui lit le journal assis sur un banc, quelques volatiles (sur ce coin-là, des centaines de perroquets verts ou de grosses perruches ou quelque chose de cette couleur-là jaillissent et crient parfois)

 

0 à 1 – Prolégomènes

Ca a été sans réfléchir plus de trois ou sept secondes et je me suis lancé, sans réfléchir simplement en me disant je vis en ville, je veux m’en échapper – on en était à vouloir que le temps se presse et nous emmène vers la fin juillet, après les anniversaires des morts, père tante et autres gens, l’été toujours quelque chose de brûlant et qu’il faut dépasser – l’été ça a toujours été aussi le travail, parce que dans les années de jeunesse, il fallait gagner de quoi payer au moins le loyer de l’année à venir pour survivre et suivre et continuer les études – on cherchait toujours du travail : du reste il s’en trouvait peut-être facilement, j’avais travaillé chez cet oncle, le frère du marchand de viande (on dit courtier, c’est plus officiel, moins sanguin, moins près du truc), il s’agissait de mettre des pantalons dans des cartons, de fermer les cartons d’y coller des étiquettes et de les descendre dans le camion [[cela s’était terminé par un déjeuner fin juillet – je ne me souviens

que des profiteroles au chocolat du dessert – dans le passage des Panoramas]]) le travail, qu’est-ce que c’est sinon engager son corps, s’engager à ce qu’il soit là quand il faut, dispos et frais au besoin puissant, temps et heure – et puis il a fallu se retourner, et prendre en compte un retour sur les lieux [[ce retour inconnu de moi, mais qui s’est dessiné parce que la mémoire s’en est emparé]] et puis c’est au bord de la ville, c’est encore à l’intérieur, et c’est cette ville-là – pour les chansons c’est différent mais ça traîne toujours un peu dans la conscience, c’est là, ça vient de loin disait Barbara – et puis

4 à 7 à 10 à 30 à 37 – Un chapitre en soi(e) : Eux – les gens et le travail, ceux qu’on interroge, avec qui on parle

les gens (disait Léo) (je crois que ce qui est indissociable du travail c’est de vouloir le haïr et se battre contre lui, de refuser de se plier à cette discipline aux heures d’ouverture, de refuser les avis des chefs, des sous-chefs et des subalternes, et de rester droit comme s’il s’agissait de sa propre dignité : c’est pourquoi Léo Ferré revient toujours, dans ces discussions, ou dans ces remémorations, il est là parce qu’il l’était alors) les gens (disait-il) il conviendrait de  ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit… oui,mais ce n’est pas comme ça que les choses se passent (pas pour moi : je suis un être fondamentalement normal : la nuit est faite pour dormir, le matin pour son calme et la journée pour vaquer, alors j’erre), les gens , comment les arrêter ? Je n’en ai aucune idée et c’est égal, ils sont là, la vieille dame, la serveuse du restaurant, l’architecte en marcel et le médecin asiatique, ils sont là et ils parlent

{penser aux autres chapitres : chansons, travail et travaux, institution}

22 à 23

{les courses de formule un, les blousons bleu profond et l’insigne en jaune d’or,

des types surtout, des champions, voilà, des champions}

cet attrait « corporate » pour les apparats, l’efficacité et la performance, ce sigle qui était peint dans les bleus, les côtés des semi-remorques qui convoyaient les pneus d’ici (Moreuil et ses entrepôts) à là (la zone industrielle où se trouvait l’usine) (et plutôt l’inverse d’ailleurs – la navette repartait vide, je la prenais parfois, il y avait cette joie peut-être bien de voir que cette marque correspondait à quelque chose,

un siège social à Rueil-Malmaison, quelque chose de la Défense peut-être, je ne sais plus – quelque chose allait de ce train-là, de la croyance dans l’évolution et la compréhension des choses et des hommes, le progrès, la joie de vivre et de la gagner, cette vie-là, les choses devaient avancer et s’améliorer (on disait ascenseur tu te souviens) (j’avais seize ou dix huit ans aussi) et les comptes qui permettraient alors, dans trois ans, puis deux, puis bientôt bac en poche (le permis de conduire sur une BSA monocylindre deux cent cinquante centimètres-cubes, le kick de démarrage et le coup de semelle, le bruit, le casque qui ressemblait à celui que portait, sur la photo, Salvador Allende), les morts en motocyclettes, le trois cylindre refroidi par air de la cinq cents kawa, les mêmes couleurs sur le réservoir

que celle de la marque, et puis le temps se reprend, on brise, on casse, on détruit

{Il y avait au loin cette cheminée, le haut en avait été ouvragé dans les bleus pour le faire disparaître au profit du ciel – on appelle ça du green washing de nos jours}

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1 Comment

    pour le 43 (aime vos deux entrées 42 et 43 que je découvre ici) j’avais mal compris et m’appliquais à une phrase (en fait elle suffisait dans mon cas) en me sentant coupable parce qu’elle dépassait une ligne… petite vieille idiote suis (parfois !)