Pendant le weekend

Atelier d’été 18. 36 bis

consigne 36 : du lointain : je tente ça pour la 1ère fois : on reprend à nouveau par copier/coller le texte de la 34, mais on le réécrit comme s’il s’agissait d’un « pays lointain » (Michaux), d’une ville totalement inconnue ou rêvée : ça change quoi, alors, au texte ?

 

treize vingt, deux dimanches et fêtes sur trois, métro plus le 20 à Chemin vert, jusque Saint-Lazare, là le train jusqu’au pont Cardinet

là monter au premier, prendre son combiné plus son classeur et s’installer dans l’une des quatre vingt ou cent cabines open space de la salle le chef est derrière trônant sur une estrade, on dit bonjour on a un numéro et quand on prend la ligne une lumière rouge au dessus de la vitre qui vous isole des autres s’allume jusqu’à ce que vous raccrochiez, il se peut que le chef vous écoute, prendre à treize, vers seize trente dix sept vingt minutes de pause parfois dans le square des Batignolles qui est là, en traversant la rue, manger une quiche et retour jusque vingt heures – dans le classeur le monde, mais surtout la France, le pays est scindé en six – et non en quatre – le réseau se compose de six gares, c’est en étoile, parigo-centré, si une ligne va de Paris à Dieppe, la suivante rejoint Givet et le territoire est le nord, une autre irait à Belfort, une troisième rejoindrait plus ou moins Port-Bou ou Cerbère comme on aime, l’avant-dernière irait jusque Nantes ou la Baule et la dernière serait desservie par Montparnasse – tout ça a évolué comme on dit dans la société, à présent on n’a pas de réseau au départ d’Austerlitz, la gare va fermer, on va couvrir les voies, on va aller voir à Massena ce qui se passe – on s’en fout, alors, dans ce classeur se trouvaient les six livres qu’on nommait Chaix, ils devaient avoir chacun sa couleur

centre des renseignements téléphonés en deux mille huit

on imagine les cartes des deuxième de couverture, les trains énoncés suivant leurs numéros leurs heures de passage ici ou là, sept heures par dimanche, la paye à la fin du mois donnée en arrivant le dimanche qui suivait, la paye double du premier mai, les signes de tête, les rires sans bruit, les foutages de gueule, le monde et les trains qui s’éloignent en bas dans le fossé, le creux qui débute à l’Europe, les gares intermédiaires non desservies, deux mois d’été avaient été consacrés à écrire éditer compter factures ou poids ou quelque chose, je ne me souviens plus bien, mais c’était à Levallois – prendre le 94 quatre vingt quatorze à huit du matin en changeant à Réaumur jusqu’à Saint Philippe du Roule, cette géographie du travail, comment se nommait cette sous-marque déjà, il y avait eu précédemment aussi les deux mois passés à la compagnie française des cadres – on appelait alors ainsi les conteneurs d’aujourd’hui – à Tolbiac, on descendait au Quai de la gare et on marchait matin vers sept et demie sur le quai qui y allait, compter les caisses et repérer les emplacements, en soixante quinze sans doute, société de contrôle et d’exploitation des transports auxiliaires (la route pour le train probablement, ou autre chose, le bateau, que sais-je, j’ai oublié) (aujourd’hui ça se nomme géodis – on s’en tamponne tellement allègrement)

le même CRT dix ans plus tard

mais cette France-là qui était une grande ville, un réseau de villes, parcourue en vrai pour les enquêtes parfois, il fallait jongler avec les différents dimanches et fêtes, on s’échangeait les dates, on essayait de prévoir, on gagnait sa vie, les études et le boulot de concert de front en face, avancer avant de se perdre, les limites du corps, la joie de vivre de courir d’attraper un train, de revenir éreinté, on est bien loin de cette ville-là, mais on ne fait qu’y être elle étend simplement un peu plus loin ses bras, ici dans les Chaix, là aux changements de trains, aux voyages haut-le-pied jusque Calais pour prendre le Calais-Vintimille, ou le train bleu ou le trans europ express direct pour Bruxelles dans son habillage d’inox et de rouge bordeaux, côtoyer flics civils et douaniers, ou le Bordeaux-Nice pourri d’appelés ou de forcenés qui hurlaient « la quille bordel ! » – dans ce même train des salauds qui tuent, il y en eut aussi – loin de tout, le dimanche, brancher son combiné, attendre que la lumière s’allume, appuyer sur le bouton allumé pour prendre la ligne et énoncer le « sncf bonjour » contractuel obligatoire et attendre « ce sera quel jour ? » et puis « vers quelle heure ? » tout en feuilletant le volume pour chercher Limoges ou Ussel, Argentan ou Hazebrouck, villes où on était l’avant-veille, où on passait, trois étages en dessous les trains filent vers le Havre, Rouen ou Dieppe, Caen Granville ou Cherbourg ? un jour j’avais entrepris de me souvenir des villes connues parfois uniquement par leurs gares, et puis j’ai renoncé fin quatre vingt, études terminées depuis longtemps, bientôt père, bientôt employé au mois ou à l’année, bientôt adulte on a laissé derrière soi la petite gare du Pont Cardinet, cette même gare où, lors de l’éviction (grand malade, G5) de la grande muette pour fait d’asthme je l’avais prise pour celle de Petit Clamart et de son hôpital militaire où j’ai failli laisser ma vie, un jour d’octobre soixante dix sept – on est bien loin de cette ville, cette ville, toute petite et ses six gares (et non quatre comme au Monopoly) et son réseau en étoile, parigo-centré – ces trains, ces chemins de fer, ces locomotives et ses voitures 

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1 Comment

    cette fois ne l’avais pas déjà lu… et il me prouve que je peux de nouveau lire et comprendre (ou le croire)
    va falloir que je reprenne les deux suivants qui viennent, repartent (bon pas avant demain, tout de même je pense, ou ce sera encore pire que d’habitude