Pendant le weekend

La voisine

La rencontre avec ma voisine s’est déroulée en deux étapes.

De retour dans ma chambre, je n’ai presque pas eu le temps de poser mon sac. Elle m’est apparue dans l’embrasure de la porte.

– Bonjour (un bonjour sincère, dynamique et joyeux)

– Bonjour (un bonjour morne, perplexe et peu avenant)

– Vous venez d’arriver?

– En quelque sorte. Disons que je reviens.

– Un café?

Elle m’a souri. Elle m’accueillait. Comme une maîtresse de maison peut le faire. On eut dit qu’elle faisait partie de la famille et que j’en faisais partie également. Ma tante. Ma cousine. Elle m’attendait. J’avais l’impression d’arriver sur mon lieu de vacances et elle était contente de me voir. J’avais fait bon voyage, je déballais maintenant mes affaires, pour m’installer dans la chambre d’amis qu’elle avait pris soin de préparer avant mon arrivée. Elle allait me parler de la famille, de son père toujours aussi insupportable depuis le départ de sa nouvelle petite amie. De ses frères qui s’adorent ou se détestent, elle n’arrive toujours pas à savoir. De ma mère, elle me demanderait des nouvelles de sa santé. Elle avait su par Jean qu’elle avait dû retourner à l’hôpital soigner sa dépression. J’aurais dit que ça ne pouvait pas aller très bien, forcément. Que le jour où elle irait mieux, elle serait tellement paniquée qu’elle préfèrerait sans aucun doute retrouver son état dépressif qui l’accompagne depuis toujours comme son fidèle toutou. Elle aurait rit, gentiment, un peu gênée de partager cette moquerie. On aurait discuté comme ça une bonne heure, dans la cuisine, moi assis négligemment sur une chaise, elle, de dos, affairée, les mains dans l’évier, m’écoutant raconter ma vie. On se connaissait bien, on n’avait plus vraiment besoin de se parler pour se comprendre. Restait cette question qui me poursuivait à chacune de mes visites : Cherche-t-elle à me séduire ou bien est-ce un fantasme que j’entretiens depuis toujours? Cette complicité que nous avons élaborée depuis notre enfance s’était transformée en jeux de séduction. Le risque, en cas de passage à l’acte, était énorme. Je risquais de perdre ma cousine, ma tante, à tout jamais. Non, c’est impossible. C’est quelqu’un de ma famille. Ça ne se fait pas.

Le vieux n’existait plus, il n’avait jamais existé, on était chez cette femme, à la campagne, loin de la Francilienne.


Je me suis réveillé de ma sieste, les yeux irrités et l’estomac lourd. Dommage, ce rêve me plaisait. La tête me tournait un peu. Je suis descendu dans la cuisine et la voyant en sortir, j’ai d’abord pensé que mon rêve n’était peut-être pas si loin de la réalité que ça. Puis elle a parlé :

– Ben alors, c’est bien la peine que je vous prépare un café. Ça fait une demi-heure qu’il vous attend. Il est bien froid maintenant.

Elle était toujours aussi souriante. Mais cette façon de déguiser son reproche m’a profondément déçu. Je la préférais en rêve, quand elle était ma cousine. Simple et franche. Là, son sourire était suspect. Sa bonne humeur feinte me mettait mal à l’aise. Je me suis dit que je n’allais pas supporter le ton qu’elle venait d’utiliser pour me parler. C’était une certitude. Je n’allais pas savoir m’y prendre avec elle. J’allais être maladroit, hypocrite. Elle allait me déranger, c’est sûr. Qu’est-ce qu’elle foutait là d’abord? C’est pas chez elle. Merde c’est pas vrai ça, on ne peut pas avoir la paix?


Sa solution pour quitter la Francilienne :

Je ne lui ai rien demandé. J’ai largement le temps de lui poser la question plus tard. Et puis elle m’a tellement agacé que j’ai préféré m’en éloigner le plus rapidement possible.

Adrien Villeneuve

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