Pendant le weekend

Journal des Frontières #13

 

 

(ces numéros -ici treize- sont tous plus ou moins faux, ou frelatés : c’est que, pour penser, réagir, produire, faire et en tout état de cause réaliser, cela se passe avec des mots, -et peut-être aussi parfois des images-, mais avec des chiffres, non, j’ai peur que non) (ce qui bazarde allègrement toute comptabilité : voilà bien un terrible et scandaleux parti pris – mais on les nomme, on les numérote on pourra s’y référer, plus tard, à cette heure où les comptes se régleront)

Ce matin (non, c’était hier), je suis allé faire des images animées (une première tentative s’était, comme on sait (enfin, si on suit) soldée par un échec, l’appareil étant resté coincé après que je l’ai eu déclenché mais ce faisant, c’est moi qui le mis en veille…)

arrivée 9

Au loin arrive le train qui vient de

arrivée

lieu de cette résidence (on ne sait si elle se trouve secondaire) : pour ceux qui arrivent là

arrivée 8

une annonce de la voix de la société (elle s’intitule, cette société, sans article) :

« le contrôle aux frontières est renforcé, SOCIETE vous remercie de vous munir des documents nécessaires »

cela se dit sans la moindre forfanterie tous les quarts d’heure, on descend du train, il est huit heures,

montres GDL

la photo publicitaire a envahi les quais de gare, ça ne fait aucun doute (mais pourquoi ?) : pour avoir la possibilité de ne pas s’approprier ces déchets de l’image, il faut garder une attention soutenue…

Toujours est-il qu’en bout de quai, je me suis placé et plan fixe, j’ai tenu mon appareil en main

arrivée 6

(au premier plan, cette espèce de table en acier brillant dont se sert le contrôleur parfois, puis toute de jaune vêtue, une balise de feu rouge inutilisée) (il y a toujours quelque chose de ravissant dans ce mobilier de gare -dirons-nous garois ou garien ?) (stationnaire ?)

arrivée 5.2

arrive la foule, ils sont tant et tant et elles sont là, elles aussi, sacs à main serviettes valises

arrivée 4

il ne faut pas les reconnaître dit la sagesse, ah bah j’ai fait des images animées, puis j’ai photographié ces images (j’en ferai d’autres, je vais finir par trouver mon style, mon genre, ma façon ou ma facture allez)

arrivée 3

et les ai retaillées au format

arrivée 2

il est certain qu’une mère n’y reconnaîtrait certainement pas le fruit de ses entrailles

arrivée 1

sont-ce le fruit des miennes ? Je suis resté là, un moment, les gens passaient sans me voir (contrôleur, poinçonneur de la gare de Lyon, « le gars qu’on croise et qu’on ne regarde pas« ) (« pour Invalides, changer à Opéra » ou « Arts et Métiers, direct par Levallois » une géographie métropolitaine assez particulière, baroque disons, propre à cet auteur) mais certain-e-s m’ont vu, les regards ne trompent pas, la question est dans l’éclat des yeux et le creusement passager de certaines rides au front, elles/ils m’ont oublié, et s’en sont allé-e-s, myriade de bipèdes, baisers rapides « à ce soir » ou alors « je ne sais pas à quelle heure je finis » pas mal de rires, mains serrées bras accolades sourires bises de loin beaucoup de baîllements qu’on voit à l’image (c’est un métier, et je ne le possède pas), on sent que souvent

bidule voie

ces gens sont seuls, ils vaquent, rangent quelque journal, replacent écharpes et chapeaux toques bonnets quand ce n’est pas un pantalon trop large, une ceinture trop serrée, le temps leur manque peut-être un peu, ils/elles se pressent vers le métro, remettent en place cheveux, gants lunettes cartables sacs besaces cuir peau plastique imitation couleurs marques logos et c’est au travail qu’ils vont et moi, je vais à un autre quai, même jeu d’un peu plus loin (et, à nouveau, l’image est dans la mauvaise position : c’est qu’à l’aveugle, je dois tenir l’appareil dans un sens qui convient, mais que je ne sais pas vraiment lequel il doit adopter…) (un métier, jte dis) (ou alors un logiciel compatible)

A à M

c’est aussi que j’essaye, tu vois, alors je regarde l’immobilier (la salle dite des fresques est en travaux depuis de nombreuses années -on y installe ces boutiques d’un poisseux luxe médiocre qui se trouvent dans tous les « centres » peut-être du monde – nous sommes très forts, nous autres, nous savons créer des centres du monde partout où nous allons, venons, arrivons partons revenons redescendons, nous sommes très forts) j’ai dit les noms des villes représentées (Semur, Paray-le-Monial, Menton Monaco…), mais de son, il n’y en aura pas non plus (je garde sans doute cela par devers moi)

tirer sur la poignée

je ne saurais dire pour quoi faire, mais enfin non loin d’un coin, j’ai découvert une oeuvre d’art

réalisée en 43 minutescomme on voit cette société-là ne craint pas le ridicule (le public ? quel public ? l’artiste est-il au cirque ou à la foire qu’on le présente ainsi ?) (je ne montre point cette peinture par compassion ou indulgence : le tour de force, repris sur ce panonceau, les guillemets qui ceignent le nom de l’auteur, on se demande un peu pourquoi on n’a pas droit au secondes et aux centièmes mais là, les fondements de la pensée sont impénétrables ou sportifs, allez savoir…) les regards des personnes qui surveillent (elles portent un brassard orange), les mines qu’elles manifestent, ça ne donne pas envie de les photographier, mais à un endroit du hall deux il y avait ceci

bouche sncf GDL

trape que j’ai trouvée jolie, il y a « évidemment » au hall un (quais et voies de A à M) après le café croissant (trois soixante tu me diras, on est en gare : c’est un peu comme au musée, on double la facture car la facture est plus difficile à tenir ici, probablement…) il y avait cette résille au toit d’un petit immeuble vide dont je n’ai pas immédiatement saisi la fonction inscrite pourtant en toutes lettres, vacillantes certes

accueil GDL

les travaux, les voyageuses et les voyageurs, elles/ils vont et viennent, et puis au fond de la galerie

venise 2

pardonnera-t-on le flou (artistique) qui baigne ces vues

venise 1

d’une sérénissime empoussiérée ?

Il n’y a là nulle gravité, seulement une certitude : ce traitement-là en dit long, très long, sur celui qu’on inflige aux personnes transportées

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5 Comments

    mais que soient loués votre oeil et vos interprétations
    qui donnent sourire discret à tout y compris ce qui ne sourit guère

  • Allez, votre style il existe, pas de doute, il est bien là.

  • @brigetoun et l’Employée aux écritures : la chance d’être suivi par vous deux…

  • Je suis aussi… même un peu tard. Il faut dire que je suis plus habitué de la voiture que du train.

    Les inconnus que l’on croise, nous sommes inconnus aussi pour eux !

    Ce qui est curieux, pour les automobiles… ce sont les vitres fumées : les inconnus n’ont même plus de visage au volant.

    Sinon, on voit aussi des fresques, le long des autoroutes… parfois plus ou moins nettes !

  • @Dominique Hasselmann : hier on y est allé en auto imagine-toi… (ces vitres fumées sont à vomir sur uber) Merci du passage (et de suivre aussi bien sûr)