Pendant le weekend

Cinq six cent sept (an II) (Oublier Paris #70)

 

(le an II fait de la lettre i majuscule troublera, je l’espère, la sagacité des algorithmes) (encore qu’on n’en ait juste rien à faire, de leur traçage) (faut-il mobiliser notre paranoïa naturelle devant ces agissements de nos robots enfantés par nous-mêmes ? un jour, le pouvoir aux machines se révélera, et nous nous verrons dépossédés d’elles, sinon de nous-mêmes) (un autre monde une autre civilisation, sous nos yeux, croît et s’évapore sans que nous le sachions : les téléphones s’intelligencent, les ordinateurs communiquent entre eux via le cache, les téléviseurs s’illuminent sous les ordres des agences centrales de renseignements) (que ce monde est joli)

(un jour, dans le métro, allant sans doute retrouver mes amis D. et H. pour discuter de Venise) 

c’était samedi, on avait décidé d’aller voir « Les fantômes d’Ismaël » (Arnaud Desplechin, 2017), le cinéma vers Beaubourg offrait la séance dans une salle de 42 fauteuils (ça existe) avec un écran de 4 mètres carrés tout au plus (ça existe aussi) pour la somme assez modiquement scandaleuse de 10,90 euros (soit un euro de plus qu’une heure de travail au smic) (il est vrai que lorsqu’on travaille, on n’a pas à aller au cinéma, surtout quand on est payé au smic) (il y a quelque chose de pourri sur ce monde-là) et les 42 places étaient prises. On a décidé de se promener : on avait à l’idée (car le matin-même, un appel téléphonique de A. (merci à elle) nous en avait avertis) de rester dans le quartier pour assister à un spectacle sur le devant de Beaubourg, donné à 22 heures (spectacle gratuit, dans le cadre du Manifeste – le festival des 40 ans de l’IRCAM – institut de recherche et coordination acoustique/musique). On a donc décidé d’aller faire un tour jusqu’ici (ici le champ) : c’est à quatre pas

on distingue les quais désormais interdits à la circulation automobile où vaquent donc les bipèdes (accompagnés parfois de leur compagnie quatripède), la Conciergerie et le tribunal de cassation, le fleuve le pont au Change (contrechamp)

deux lampadaires, sur le pont Notre-Dame, au loin l’île Saint-Louis, on a eu de la chance, laquelle n’arrive que rarement à Paris, du coucher de soleil après la pluie (la photo du champ ne rend pas compte du turquoise des cieux, tant pis), on avait un peu froid, on allait, on captait quelques phrases du style « mon fils fait une école de fusion-acquisition » , « ah tant mieux, il va avoir de l’argent  » (rires) « oui, mais pour le moment c’est moi qui paye » (rires gras), chaque jour je gagne en misanthropie (je ne sais plus qui disait ça bien mieux que moi, mais je le pense chaque jour cependant), on arrivait à ce que l’architecte de l’objet a nommé la « piazza » (il est italien, il ne faut pas lui en vouloir), il s’agit d’une place piétonne en légère déclivité qui fond vers les petites entrées

au premier étage on s’activait, il y eut les cors alpins qui se positionnèrent, un guitariste qui accorda son instrument, on attendit que le spectacle débute (on siffla on applaudit on attendit) on éteignit les lumières puis ça se déclencha, vers 22h30 : « Niagara Reverb #07150 » création 2017, (Fujiko Nakaya, sculptrice de brouillard; KTL (Kindertotenlieder soit les chants des enfants morts) composition arrangements; Alponom ensemble en accompagnement de KTL (les fameux cors alpins); Manuel Poletti spatialisation sonore IRCAM)

un travail assez merveilleux, eau brumisée, vent, musiques sons accompagnements: une merveille

on prenait des photos (mais pas le son, dommage)

ventilateurs brumisateurs et les humains sont heureux (c’était magnifique) (et on pensait à une métaphore du monde présent, une allégorie des images et des sons données par ces objets si « intelligents » « smart » « clever »)

c’est madame Pompide qui aurait été contente (et son mari, ex-banquier – comme qui tu sais – aussi tout autant) enfin on est partis joyeux quand même, mais avant la fin

(au fond de l’image, tout au fond, rouge brique s’élève le bâtiment qui abrite l’IRCAM, cette exceptionnelle institution (unique au monde) menacée de disparaître si on n’y prend garde…)

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2 Comments

    oh merci….je mets toute ma volonté dans mon imagination, avec l’aide de vos mots et de vos photos (après les cieux passablement merveilleux sur la Seine) pour croire y avoir été un peu à cette célébration d’un endroit (enfin plus qu’un endroit, à un groupe de chercheurs et musiciens sans cesse renouvelé) que j’aime tant mais virtuellement malheureusement maintenant (une de ces choses de Paris qui me manquent : la descente vers la salle de concert, en attente)

  • La descente vers les fins fonds de l’Ircam est toujours impressionnante. Le Centre Pompidou, allié à l’Ircam, reste incontournable (hélas pas pour moi ce soir-là).

    Il y a maintenant une salle Boulez à Berlin.