Pendant le weekend

1492 Vendredi 10 juillet 2020

 

 

 

l’ambiance morose – S. ne va pas mieux, non : le froid aux os, la détresse – le travail en cours continue

le travail : rien – chercher chercher partir – marcher : ici une dame que suit son chien, une idée du bonheur sans doute

écrire un petit peu – le 5 de l’atelier dans sa version lecture peut-être – j’ai oublié le doux/dur de la 4 – image qui s’y rapporte (au 5 je suppose)

(j’aime les baguettes coupées en deux (au moins 3) dans le sac posé sur le sol de l’autobus – aller au garage, porter les sacs d’ordures dans les containers, donner des vêtements de bébés aux Emmaüs de la rue des Pyrénées, continuer à vivre – dans le journal une chronique parle de l’européen pressurisé réacteur (il était budgété – massivement par l’opérateur – à 3.2 milliards d’euros, on en est à 19.3 et ce n’est pas fini : le moins qu’on puisse faire, c’est d’en changer le nom  en évolutionnary power réactor (réacteur à la puissance en constante évolution – RPCE) en constante : on croirait de l’antique tellement c’est beau et visionnaire – une merveille de la technologie qui renchérit le kilowatt/heure produit du double – bonne idée tiens) : on ne va pas abandonner, tu penses bien, une idée aussi géniale – l’argent du contribuable…

 

Mais aussi, je vous fais une copie de la « tribune » parue dans le même numéro du journal de référence qui paraissait vers une plombe – le monde tout un monde – pour mémoire et prise de conscience de l’état de déliquescence dans lequel se trouve ce gouvernement (la mutité de Frédérique Vidal est peut-être diplomatique mais tout simplement atroce) (je laisse les liens)

 

La confirmation en appel, le 30 juin, par un tribunal de Téhéran, de la condamnation à cinq ans de prison de l’anthropologue Fariba Adelkhah confirme que le métier de chercheur en sciences sociales est devenu à haut risque. Une dizaine d’universitaires occidentaux ont été ainsi pris en otages par la République islamique.

Cette dernière n’est pas la seule à se livrer à ce genre de pratiques. La Turquie, les Emirats arabes unis, Israël, la Russie, la Chine portent de plus en plus ouvertement atteinte à la liberté scientifique internationale. L’Egypte est allée jusqu’à tuer dans des conditions atroces un doctorant italien de l’université de Cambridge, Giulio Regeni, en 2016. Les Etats-Unis arrêtent eux aussi des chercheurs étrangers sur la base d’accusations souvent arbitraires, dans le cadre de leur politique de sanctions urbi et orbi ou au nom du Patriot Act.

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S’y ajoutent les nombreux refus de visa, auxquels s’adonnent également les Etats européens au nom de la lutte contre l’immigration, rendant infernale la vie professionnelle de nos collègues d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ou du Moyen-Orient. On ne parle pas suffisamment de cet aspect de l’inégalité du système international au détriment des pays du Sud, qui accroît leur dépendance sur le long terme. Sans accès équitable à la science, pas de réel développement envisageable.

Enquête de terrain menacée

Il ne s’agit pas non plus d’occulter la répression interne dont font l’objet les chercheurs et universitaires des régimes autoritaires. Néanmoins les atteintes à la liberté scientifique internationale constituent une question spécifique et neuve dont, curieusement, les Etats démocratiques ne se soucient guère, peut-être parce que leur conscience n’est pas tranquille en la matière.

« Il ne s’agit pas d’occulter la répression interne. Mais les atteintes à la liberté scientifique internationale constituent une question spécifique »

D’une part se pose le problème de la possibilité concrète de faire de la recherche de terrain dans des pays qui incarcèrent à tour de bras des universitaires étrangers. La pandémie de Covid-19 a aggravé les choses en fermant les frontières et en interrompant la réalisation de nombreuses thèses de doctorat. Qui, dans ces conditions, voudra encore entreprendre une recherche sur l’international ?

Ce sont des pans entiers de notre connaissance du monde contemporain qui vont s’étioler, puis s’évanouir faute de pouvoir se reproduire. Car on ne peut pas faire des enquêtes ou du travail d’archives primaires par visioconférence. Ou, pis, on risque de s’imaginer pouvoir le faire, en devenant captifs de la vision déformée et partiale des sociétés étrangères que nous donneront nos écrans d’ordinateur.

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La tentation sera grande pour les gestionnaires néolibéraux de l’Université de se saisir de cette aubaine de la dématérialisation de la recherche et de l’enseignement. Or, il ne peut y avoir de réflexion sur notre époque et nos passés, sur notre politique étrangère ou économique, sur l’exercice de notre citoyenneté, si nous sommes privés d’informations et d’analyses indépendantes quant à la majeure partie du globe. Comme l’a écrit Fariba Adelkhah du fond de sa prison, il faut « sauve[r] les chercheurs, sauve[r] la recherche pour sauver l’Histoire ».

Enjeux financiers et politiques

D’autre part, des accords de coopération scientifique lient les Etats démocratiques aux régimes répressifs. Ces échanges sont financés par le contribuable. Est-il raisonnable, ou même décent, de maintenir ces partenariats avec des pouvoirs qui embastillent nos universitaires ? On peut en douter, même si les milieux scientifiques sont divisés sur le sujet et craignent d’isoler davantage encore leurs collègues étrangers. A mes yeux, l’objection ne résiste pas à l’examen, car la demande porte sur les accords institutionnels, et non sur les échanges individuels.

« Face aux calculs cyniques des preneurs d’otages et des assassins, l’Europe semble tétanisée »

Des considérations plus triviales entrent en ligne de compte maintenant que la science est devenue un marché international dont chacun veut garantir sa part. Les enjeux financiers, immédiats ou potentiels, ne sont pas négligeables dans les sciences dites dures ou la médecine, et la liberté des sciences sociales est de peu de poids par rapport à eux. Tel est sans doute le sentiment de Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, dont le silence, depuis l’arrestation de Fariba Adelkhah, est assourdissant et pour le moins inconvenant.

Face aux calculs cyniques des preneurs d’otages et des assassins, l’Europe semble tétanisée. Ses universitaires sont persécutés par dizaines sans qu’elle définisse et mutualise une stratégie pour parer la menace. En outre, restriction des crédits oblige, elle a vendu des pans entiers de son université à des pays étrangers en capacité financière de les acheter pour faire valoir leurs intérêts politiques, à l’instar de la Chine ou des pétromonarchies. Forts de leurs avoirs et du marché scientifique qu’ils représentent, ces Etats n’hésitent plus à essayer de censurer recherches et publications en Occident.

 

Aujourd’hui, ce sont même certains membres de l’Union européenne, comme la Pologne ou la Hongrie, qui mettent sous pression l’Université, y compris à l’extérieur de leurs frontières, quand celle-ci n’a pas l’heur de plaire à leur conception de l’histoire nationale. En France, les chercheurs sont de plus en plus inquiétés par la police ou la cellule Demeter de la gendarmerie nationale [créée en 2019 par une convention entre le ministère de l’Intérieur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs pour prévenir les agressions et intrusions sur les exploitations agricoles] quand ils travaillent sur les mouvements sociaux ou les questions environnementales, et les nouvelles règles de « déclassification » restreignent leur consultation des archives contemporaines postérieures à 1940.

Ouvrons les yeux : ce sont bien les sciences sociales qui sont en danger comme jamais elles ne l’ont été depuis la fin de la seconde guerre mondiale ou la chute de l’empire soviétique.

 

Jean-François Bayart est professeur d’anthropologie et de sociologie à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID, Genève). Il est coordinateur du comité de soutien à Fariba Adelkhah.

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2 Comments

    merci d’être (en tout cas pour moi qui me noie dans d’autres causes et des broutilles) piqure de rappel et source de renseignements

  • Le « journal de référence » (cette référence n’est plus utilisée que par ceux qui se souviennent des éditos de Hubert Beuve_Méry, dit « HBM ») a donc parfois du bon. 🙂