Pendant le weekend

Ken

Ce n’est pas qu’il n’aime pas la caméra, mais il la juge intrusive (il fait du cinéma).

C’est un homme qui se tient en forme.

Si vous voulez savoir pourquoi il a tant de projets (ce film date de 1996, pas encore Palme d’Or : c’est un type qui vient d’avoir 75 ans), c’est « parce que le temps presse ».

Un sourire.

Un homme, un être humain.

La direction d’acteur ?

Il ne dit rien, ne donne pas de script, mais parle avec les acteurs. Il leur parle, mais si le matin à 7 heures, il n’a rien à dire, il se trouve un peu ennuyé. Flou.

Difficile à convaincre. Pas sûr de lui, mais sûr du monde du travail qu’il dépeint (dépeindre est une fausse image, et une fausse métaphore : il ne peint rien, il ne dépeint rien, il montre).

Le fimm s’intitule « Citizen Ken Loach », probablement en référence à celui de Welles : rien à voir cependant, lui est en douceur, en persuasion peut-être. Mais ses drames, ses films sont tous si présents, si proches de nous, ils nous parlent de nous, de notre travail et de notre condition.

Le film commence par l’entretien mené auprès d’un des acteurs qui jouent dans ses films, lequel acteur affirme de Ken Loach qu’il est « un peu cinglé ». Je suis certain que Ken Loach appréciait ce qualificatif, parce qu’il faut l’être, un peu en effet, pour ne pas donner aux acteurs le script de ce qu’ils vont jouer dans les heures qui suivent. C’est un risque qui cherche la spontanéité, mais c’est un gros risque. Même si l’homme qui est décrit dans ce film de télévision paraît simplement résolu, il reste souple et tente d’aider au mieux les acteurs. Tout comme Jean Renoir le disait à Michel Simon (qui acquiesçait d’ailleurs), mettre un clap sous le nez d’un acteur avant qu’il ne fasse sa partie est impertinent.

On l’interroge dans un train, on ne sait pourquoi.

On le suit dans la manifestation des dockers, on interroge quelques uns des scénaristes qui ont travaillé avec lui (dont Paul Laverty). On tente de lui faire dire ce qu’il a de remarquable, dans sa vie privée par exemple : rien. Il tond sa pelouse, il regarde un match de foot à la télé. Le film ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà : il parle d’un cinéaste qui fait du cinéma. Pour le reste, nous sommes comme Ken Loach, ça nous est à peu près égal : rien d’une star, rien d’une gloire. Ses films parlent pour lui, et ce qu’ils racontent nous est infiniment précieux. C’est sans doute parce qu’il ne fait pas de cinéma, qu’il reste modeste peut-être, humble probablement, qu’il nous est si cher et reste indispensable. Très bien, ce type. Très très bien, on le savait mais on le redit, c’est important.

(la troisième figure, après Chantal Akerman et Ken Loach, de ce week-end : Samuel Fuller, dans le prochain billet).

 

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6 Comments

    grand merci pour la série (et bon choix)

  • Il est vrai que ses films sont vraiment à son image : la réalité sans fioritures, l’arrière-plan (ou le gros plan, parfois) politique, les rapports de classes car ça existe encore malgré le déni dominant.

  • Simples, honnêtes et percutants. Voilà, du vrai cinéma comme on l’aime. Merci du passage.

  • @ brigetoun : Content que cette série vous plaise…

  • […] on donnait les divers numéros d’une série de documentaires télévisés, « Cinéastes de notre temps« , produite par Jeannine Bazin et André S. Labarthe lequel vint présenter une ou […]

  • […] à indiquer que la palme d’or cannoise a été attribuée cette année à Ken Loach –qu’on aime– lequel laisse libres les droits sur ses films, qu’on peut donc regarder, voir et […]