Pendant le weekend

Emanuele

L’un des films précédents d’Emanuele Crialese, « Respiro », se déroulait aussi dans une île. Ici, il semble qu’il s’agisse de Linosa entre la Sicile, l’Europe, et la Tunisie, l’Afrique. La proximité qu’entretiennent ces peuples (après tout, tous sont des humains) est blessée, sinon occise par ces lois iniques, dites de Schengen dont on nous rebat les oreilles. On se souvient à ces évocations de ce représentant en pastis, ministre de l’intérieur, à présent rattrapé par la justice. On se souvient aussi, mais de plus loin, de ces délits institués par une espèce d’Etat, gouverné par un être sénile parvenu au pouvoir dans sa quatre vingt cinquième année. Rien à voir ?

Voire.

Quelques familles de pêcheurs sont à la rue, le poisson est rare semble-t-il, on ne pêche plus,dans la famille pourtant on s’ingénie à tenter de survivre, avec les moyens du bord. Le climat, les plages, la joie de vivre. On vend les transats pour quelques heures. On abreuve, nourrit, loge, distrait le touriste. Les bateaux de pêche ne seront plus de rien (on en sort un de l’eau, au début du film, y retournera-t-il ?), on installe des bateaux dits de « plaisance ». Qu’est-ce donc que le tourisme et les vacances ? Des temps pris au travail, et financés par celui-ci, afin de permettre reprise, rentrée, retour détendu, fortifié, amaigri et soyeux, moments construits de souvenirs et d’odeurs nouvelles, exotiques peut-être, différentes probablement. Des paysages « de rêve » comme nous serinent les publicités, jour après jour, alors ici, pour survivre, ouvrir son propre logement à la location, accueillir et informer, se réfugier dans le garage, tel sera le lot de Filippo et de sa mère.

La mère de Filippo (Donatella Finocchiaro)  prend le soleil devant le garage transformé en son habitation…

Le père et mari est mort en mer, on en voit au début du film un peu de la commémoration.

Des touristes qui s’amusent à se détendre, mais de l’autre côté de la baie, de l’eau, de la mer, des êtres humains qui fuient qui une guerre, qui la misère et la faim. Ainsi cette femme recueillie,

qui va faire naître ici un enfant, conçu d’un viol, allégorie fondée sur ce que ce serait notre nationalité, nos reconduites à la frontière (à raison de trente mille à l’année, au moins : on s’enorgueillit parfois de dépasser ce chiffre ignoble) et l’accueil qu’on réservera à ceux qui viendront « chez nous ».

Le film posera dès le début que cette terre-là sera fermée.

On habillera le chargé de la Loi en vêtements que le fascisme mussolinien lui envierait. Quelques jeunes touristes du nord viendront louer la petite maison à la petite cour, et les morts s’échoueront sur les plages de sable noir.

Filippo (Filippo Pucillo), qu’on avait déjà croisé jeune dans « Respiro » (2002), chassera de sa barque, à la nuit, ces gens qui ne veulent que vivre, dans une scène de cataclysme noir, des noirs, oui, qui ne veulent que tenter de vivre, simplement, comme nous tous, de vivre.

Le bateau de l’oncle de Filippo que celui-ci prend pour une nuit

Ce qui ne peut se faire par la route (emmener la mère et son enfant qui vient de naître prendre le bateau pour la terre ferme), Filippo le fera par l’eau, par cette mer que magnifie le film comme l’auteur de cet humanisme qui enjoint de secourir ceux qui vont mourir par elle, et non de les laisser se noyer et croupir en son fond.

Le bateau de l’oncle, vu de haut, traverse la me

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1 Comment

    J’avais vu, du même auteur, son admirable et ensoleillé « Respiro » : les grands films laissent une trace indélébile dans la mémoire.

    J’irai donc m’asseoir dans l’obscurité pour me laisser embarquer dans ce nouveau film, du même auteur, car tu en parles avec l’hameçon qui convient.