Pendant le weekend

Comme une envie de partir

Ajouter « sans importance » mais ça ne l’est jamais, alors c’est important (une chanson dit : « ce soir est important car c’est l’anniversaire du jour où le bonheur t’avait vêtue de blanc ») (c’est d’Aznavour, certes) : ce sont des photos prises dans l’ensemble des jours, des nuits, revenir d’ici, de là, partir encore à nouveau, revoir la baie de Gênes ou celle de Trieste, le Bosphore, Istambul, s’enhardir vers l’Asie, la porte de l’Orient, au loin ces grues

se poser la question du pourquoi, ce blog, puis élargir un peu (les points noirs sont sur la vitre) ou cadrer autrement, le cadre c’est important, pourquoi faire

pour faire apparaître ces arbres faits de fleurs mauves, le ciel est plus turquoise, on s’est éloigné, on a modifié quelque chose, on a contrasté les couleurs pour qu’elles apparaissent au moins, sur le bureau, oublier Paris, parler d’elle, d’elles deux, des autres aussi bien, pour faire un cliché, pour regarder la réalité en face mais comme elle ne  nous apparaît jamais, elle est pourtant là, une photo ce n’est jamais rien d’autre qu’une sorte de manière, un style, une représentation, de soi, de son regard de ce qu’on voyait ce jour-là, à cet endroit-là, c’était loin et ça dessinait un rêve

pour peu qu’on s’en rapproche, qu’on enregistre encore, quelque chose, une construction, un travail en train de se faire, tout comme ce qu’on est train de faire, le travail, le sien (« comment avez-vous trouvé ça ? », « c’était comment alors ? », « oui, voilà, c’était où, déjà ? »), regarder les hommes travailler et s’affairer, ces êtres construire, la relance par les grands travaux, les autoroutes allemandes, les années trente, les banquiers (ou autres) qui se jettent des fenêtres des buildings (il y en eut peu)

changer de saison, construire encore, économiser, regarder le monde tourner et préparer les vacances, mais qu’en faire, des vacances, vivre avec les enfants, des adultes avec des préoccupations d’adulte (que faire de ma vie ? dis, comment faire pour…? reprends un peu de…), lire, au soleil, se reposer

aller voir ce tableau, cet autre, se promener en ville, à la mer, à la plage, en face de Lampedusa, prendre à nouveau des photos et se demander mais qu’est-ce que c’est, une photo

aucune idée, forcer le trait, ajouter des contrastes, saturer, ce n’est pas une photo juste, c’est juste une photo, penser au cinéma parce que comme les chansons, on l’aime (le Jacques Demy de « Peau d’Ane »mais tout de même, quelques chansons, penser à aller voir les films de Théo Angelopoulos et ceux de Douglas Sirk), se souvenir d’Eroll Flynn et de sa vie dissoute par l’alcool ou les moeurs ou les difficultés qu’il avait à écrire, beau mec, Frank Sinatra chantait, Dean Martin et Samy Davies Junior (noir, borgne, petit et juif), c’est la nuit qui vient, parfois, passer auprès de cette église

il fait nuit, le bleu du ciel, les trois boules dans cette mansarde, essayer, au loin les points blanc, bleu et rouge, il faut essayer, viens, on essaye, qu’est-ce donc que ce chemin, cette vie, sans essayer, alors oui, voilà, rapprochons-nous, tu veux bien 

oui, un bleu particulier, les points ont disparu oui, voilà c’est Jourdain, la montagne, « les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux, les ailes des moulins caressent les amoureux », Mouloudji tu te souviens, non, tu ne l’as pas connu, non tu en es sûre ? « petite mendigotte, je sens ta menotte qui cherche ma main » non ? Vraiment ? Quelle chance, découvrir ces amours qui doivent finir mal, ce ne sont qu’histoires, les vraies, les nôtres ne finissent pas, l’avenir est là, radieux comme à son habitude comme s’il savait qu’on l’attendait, comme s’il savait simplement, mais non, il est là parfaitement indifférent et nous autres avançons, tentant de regarder un peu en avant, en arrière, de ne pas nous laisser prendre dans les rets qui emprisonnèrent nos parents, la guerre à vingt ans et quatre enfants à vingt quatre, on regarde derrière soi, le temps a tellement changé, tellement bougé, déjà les enfants ont grandi, déjà de belles femmes, déjà le temps est passé et l’avenir de radieux s’est mué en quelques mots, alors oui, prendre une photo, un cliché, se souvenir et ne pas dépérir, sentir, même à l’aurore, que le corps tient encore à se tendre, à vivre, à exister, aller faire du café, regarder l’aube poindre, écouter un oiseau, et se laisser aller à imaginer là-bas, cette porte grandiloquente vers la place du Commerce et le fleuve, puis l’océan

photo merci à mc©



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1 Comment

    Photo, blog, écriture, souvenirs (« ce n’est pas une image juste, c’est juste une image », disait Godard, j’avais détourné sa formule récemment) : problème de cadre.

    Peut-on s’en passer ? Question : comment cadrer le ciel ? Les grues peuvent servir de limites (à dépasser), ou un avion furtif, ou un oiseau qui semblerait désorienté sans son GPS perso, ou des nuages qui bordent l’infini.

    Partir « faire le pont » (la fac bosse ce vendredi) ? Tancarville, alors !