Pendant le weekend

Sur le bureau #15

Décompte fait, il n’en restera que 17 (dans le dossier, 1735 clichés améliorés), j’en prends un tous les cents, mais je me trompe (il y en a 18, ajoutée Londres), n’importe, encore un calendrier

c’est peut-être la page du mois d’août, c’est en 2009, c’est la nouvelle année, alors on souhaite qu’elle se passe bien comme si ce qu’on en disait aujourd’hui avait quelqu’influence sur ce cours des choses, mais n’importe, tous mes voeux au voisin du deux, à la vieille dame de Corrèze, à sa fille qui vit au faubourg, aux amis inconnus mais blogueurs donc connus du coup du blog (on pourrait ici glisser quelques liens, peut-être trente ou plus encore mais je n’aurais pas assez de mots, je vais essayer) un exercice d’auto-promotion, peut-être, une quinzaine de photographies dont une qui revient

elle se trouvait sur le précédent bureau (peut-être devrais-je, dans le procédé qui préside à la constitution de ce bureau- au lieu de les copier, les couper coller, ces photographies -ce ne sont, d’ailleurs, pas des photographies) et elle représente cette devanture de quelque magasin, je ne savais pas alors qu’il allait s’agir d’un salon de haute coiffure (si ce nesont pas des photographies, qu’est-ce que c’est ?

des images, probablement, des illustrations). C’est encore sur le faubourg, mais est-ce important ? Un point de la ville où je passe tous les jours, probablement plusieurs fois par jour, où on trouvera un type qui recouvre les papiers d’identité d’une feuille de plastique transparent, qui discute avec trois ou quatre de ses amis, hiver comme été (mais l’hiver à l’intérieur du restaurant rapide), un autre qui fait la manche en proférant parfois des insanités à la gloire des nazis (il porte une barbe et une capuche, fait la manche à 50 centimes d’euros, une petite pièce, on aurait plutôt envie de lui foutre sur la gueule, mais qu’est-ce que ça changerait ? ça ne ferait que nous salir). C’est encore sur le faubourg mais bizarrement dans cette série se trouvent des images de Lisbonne

et sa place du Commerce, de Rome

le monument à Victor-Emmanuel (c’est le 2° ou le 3° ?) (le 2°, il Vittoriano il s’appelle, il se trouve juste devant le forum et le Colisée).

Mais aussi Bruxelles

on reconnaît peut-être le climat (c’est un stéréotype), et cette voiture (celle de mon père était grise), des images donc de ces capitales, de ces villes hantées par des Rois, cependant pas de trace de Londres (c’est que les images de cette capitale-là restent dans des dossiers-ce ne sont pas des dossiers- à l’intérieur de celui qui regroupent les photos classées par dates) (je déteste classer, mais sans classement, je ne retrouverai rien

car même les mots mentent, et les images aussi) je pose le métro de Londres, pour revenir à celui d’ici

sur cette ligne qui court de Belleville à Clichy

des gens, des amis

je n’ai aucun souvenir de celle-ci, qu’importe, elle est arrivée, une image de cette vie urbaine, ici, on s’assoit, on regarde ses objets ses livres, on écoute sa musique, des choses qu’on possède, à soi, il y avait Nicolas Frize, je crois bien hier soir dans le poste qui disait qu’il rendait ce qu’on lui donnait en subventions mais qu’il n’avait rien à vendre, non, on n’a rien à vendre, ce matin, à la poste, le préposé lorsqu’il fallut lui régler le prix de l’enveloppe à bulles (je lui ai fait ton petit geste, mais il n’a pas compris) dans laquelle j’avais glissé le transistor miniature et la casque, la carte d’une reproduction de Matisse, me dit « il reste juste à payer, c’est le plus important », quelque chose d’incongru, justement non, le plus important c’est que le paquet arrive à son destinataire, mais on parle, on dit ce qu’on attend de nous, surtout lorsqu’on travaille, dans nos habits professionnels, la blouse grise de l’instituteur tu te souviens ? celle blanche du médecin, celle à fleurs de la femme de ménage, les uniformes, les costumes

un peintre, Filippo il s’appelait, il repeignait la villa tous les deux ans, il sifflait (le peintre siffle, c’est ainsi, c’est son travail aussi), lui conduisait une 403 décapotable,  un acteur, producteur, qui me ramène au ciné, à Cassavetes, Ben Gazzara, Peter Falk, Gena Rowlands, des gens, des voeux, du travail, quelques roses pour ma tante

je n’y fus hier qu’une dizaine de minutes, il y avait là une dame de ménage qui lui intima de rester au lit, et sans doute cette présence-là la rendait-elle vulnérable, dans ses yeux passèrent des images de la réalité de son oubli de moi, à son « il y a longtemps que je ne t’ai pas vu », je répondis « non juste une semaine », et l’incompréhension, quelque chose de ce regard de ma mère (c’était sa soeur), en juillet de l’an 8 de ce siècle, dans cette clinique de Nanterre, à son « tu n’as pas une cigarette ? », où je répondis par la négative et qu’elle se cacha sous le drap bleu de son lit, disant « non, non, non… » puis réapparaissant, ce regard oui, ce regard-là, comme un coup furieux au thorax, et comme, après tout (enfin je fantasme) je sais que je partirai par le coeur, il m’est arrivé, hier, cette même chose, absconse, de voir en face de moi, là, le mur qui s’élève, l’oubli, et les photos, les images sont là pour ne pas oublier, on les classe on les trie on les formate on les retouche, on les recadre on les embellit et on attend que le sort en soit jeté, voici un autoportrait en pied

c’était octobre 2010, des chaussons et une bonnette en faux papier avant de passer sur le billard, ce n’est pas tant qu’on se regarde et qu’on évalue nos chances de survivre, mais il y a toujours cette crainte (ce désir ?) de ne pas se réveiller, on part sur un chariot et se réveillera-t-on ? C’est qu’elle hante, elle rôde et se tapit, on dirait parfois que seul le bonheur peut la faire fuir, il y a sûrement quelque chose qui lui impose de se taire et j’ai longtemps cru qu’i s’agissait de la lumière, cette lumière qui montre la seule olive, là, sur le balcon

l’appareil ne fait pas le point sur ce qu’on veut, ou cette lumière du soir

accentuée (tu vois même les mots), et elle réapparaît, l’ombre, au loin la nuit, au loin cette ampleur dans le noir, sa profondeur dans l’abîme et nous allons notre chemin, malgré tout, avançant comme à l’aveugle (ce roman de Claudio Magris), ne sachant pas où nous diriger et sur notre erre, comme des navires, des bâtiments, comme des bouchons, par le vent poussés, la mode ou le désespoir

c’est rue de l’Atlas, là où Perec vint au monde, une agrafe sur une porte au fond d’une cour, au 9 et 7, un hangar, les montagnes d’Afrique, la vertèbre du colosse, en haut on trouve un restaurant Couscous de Bolivar et de l’Atlas, une association qu’on aura peu de chance de trouver ailleurs, un café le Virage,  l’humour et la joie de vivre, on regarde le monde, on le prend, en photo, pour ne pas l’oublier, pour en garder ne serait-ce qu’une trace infime, informe, un cadre, quelque chose, même si la photo n’est pas bonne, même si elle ne dira rien, même si de la contempler nous aurons cette étrange inquiétude, non où était-ce déjà ?

au moins dans un rêve, oui, au bord de la mer, ces petites constructions de bois blanc, oui, c’est Donville ça ne nous en dit pas plus, on regardera, on arpentera les cartes, on auscultera et pour faire revivre le souvenir, oui cette côte cassée c’était là, tu vois la montée à gauche cadre ? cette route, là, tu la vois ? c’était là, je suis tombé, ce n’est pas qu’on oublie, c’est juste que le temps a frotté l’air d’ail et de vent et que ces souvenirs sont partis, qu’il n’en reste plus rien sinon ce leurre, ces trois personnes dont l’une d’entre elles est assise, tu te souviens ? Non, je ne vois pas, non

ce n’est rien, viens, on retourne en ville…

Belle année, toutes et tous

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6 Comments

    belle année à vous – et merci

  • On peut dire que vous nous promenez bien (d’ailleurs je viens de le dire à la suite de @brigetoun sur twitter : merci l’ami

  • et j’en oublie de fermer mes parenthèses…

  • oui on va retourner dans la ville la notre et peut être ailleurs (on espère) – on va vous suivre ici – et Lisbonne ( un faible pour ) et Istanbul ( peut être ) et d’autres – grand merci à vous

  • encore des balades, en corps dans la ville/les villes, angkor (par exemple) et bon an 13 PCH même si c’est la page du mois doute qui s’affiche !

  • Bonne année (in extremis) et par les rues de Paris ou d’ailleurs !