Pendant le weekend

#10 Cahier 44-45

Hallainville, Saint-Pierre (Bas Rhin), Ribeauvillé, Osthouse, je recherche ces noms propres, je me figure les avancées, les neiges, les froids, je me souviens ce qu’on en disait, alors j’avais dix ans peut-être, ce n’était que « il a eu aux pieds des champignons », rien, et ce silence terrifiant. Parcourir ces routes, regarder comment, où, dans quelles conditions, ce ne serait qu’un décor, qu’une sorte de pièce de théâtre photographiée aujourd’hui, (ou plutôt durant les dernières années), ce ne serait donc que ces montagnes qui restent, tandis que par ici ou par là : « Mort de ce pauvre Colas« . Uniquement certains noms de communes, une date, des mois qui passent, ici c’est en janvier, 1945.

J’ai recherché cette « 3° DINA » sans la trouver. Il y a pas mal de choses qui me demeurent incompréhensibles (et si, pour moi, c’est le trouble qui envahit, je me figure un peu ce qu’il en est des lectrices et lecteurs de ces billets : avec mes excuses…).

Cependant, je suis allé voir ici ou là, j’ai glané (j’ai adoré « Les glaneurs et la glaneuse » ce film d’Agnès Varda – 2000) quelques images dont une m’est totalement propre en ce qu’elle dit la seule et vraie vision que j’aie jamais eue de l’Alsace.

hallainville

Je me figurai, cherchant dans les photos prises par le robot, n’avoir jamais été dans ce coin perdu, frontière allemande à cinq kilomètres, batailles féroces, morts et estropiés à tous les carrefours, sangs membres arrachés, cadavres et boues, mais c’est faux : j’ai parcouru voilà peut-être quarante ans, ce chemin en train, une dizaine de fois en deux jours (Mulhouse-Strasbourg et retours), de jour comme de nuit, à enquêter les voyageurs, on a dormit à Mulhouse je crois chez les cheminots, premier train du matin avant six heures, dernier vers vingt trois) et cette vue est -sans doute- celle qui me reste de ce corridor.

Dernier passage du cahier  : demain.

DEUXIEME Campagne d’Alsace.

1° Janvier 1945.   Hallainville, Vosges. Petit village aux grands tas de fumier, aux filles toutes de noir vêtues. Le J. de l’an est peu agréable

2 Départ pour Saint Pierre (Bas Rhin). Les off.(iciers) tremblent en nous disant que nous pouvons être enfoncés d’un jour à l’autre. Il y a 12 divisions boches devant nous, oui ! mais “combien de poux faut-il pour manger un lion ?”

6. Arrivée à “Rappolsweiler” (Ribeauvillé), les artilleurs ont peur d’être encerclés.

7. Je déroule de nuit une ligne très dangereuse avce la radio, à 6h je rentre; dans les champs de mines en vue des boches de nuit à 4H

8. Départ d’extrême urgence vers le Nord (Osthouse)

9. Nous apprenons que le le B.H 24 est encerclé à 7 ou 8 km en avant de nous. Nous attaquons pour le dégager. Nous sommes encerclés à notre tour. Dégagement périlleux mais ordonné. J’essaye de franchir un pont battu par le feu ennemi.

10. Etablissement à MATZENHEIM et BENFELD. Nous tenons L’S11 sur toute sa longuer. Gros ennui avec ligne SAND-MATZENHEIM. Grosses pertes.

14. Relevés par la 3° D.I.N.A

15. Arrivée à Dambach

18. Roshwiz

20. Départ de l’attaque sur Hausen (GUEMAR)

21 Arrivée à 11h à HAUSEN

22. Combats du Bois d’Erlen

24. Mort du pauvre Colas

26. Retour à Guemar

 

Je chercherai ce « bois d’Erlen », plus tard, je n’ai pas le temps (et j’ai tant à pleurer, tu sais) : j’ai trouvé ce jardinier dans cette petite ville nommée Osthouse. Soixante dix ans plus tard, sur cette route qui va de Matzenheim

fleurds 2 osthouse

à Benfeld, laisser à son travail cet homme et pour ma part, continuer à en chercher (chausse-trappe, pièges, perversions et mutismes, faux semblants et autisme, hypocrisie : le travail ? non, la guerre)

fleurs osthouse

En entrée de blog, on trouve les traces laissées là par un personnage, gardées depuis – photo réalisée le 8 janvier 2010- soit soixante cinq ans plus tard que ce « départ d’extrême urgence vers Osthouse« . 

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