Pendant le weekend

Projet DF 5

 

Dernière partie de la conversation (à la fin, les deux protagonistes se félicitent que cela ait duré aussi longtemps), où on comprend mieux les désirs de DF et ses façons d’être – on y parle de son meilleur ami Nesuhin Ertegün, lui aussi collectionneur et lui aussi cosmopolite (on apprend que le fils de DF est étazunien) – dont l’une, probablement la plus active, se marque par l’élitisme dont il entoure ses choix (en art – musique : »je n’aime pas la musique » (sauf le jazz) (mais le « bon ») – de même pour le cinéma « je n’aime pas mettre mes mains dans le cambouis », en peinture la seule surréaliste) haine presque viscérale pour la télévision, pour les politiques (sauf ses « amis » évidemment); manières de se comporter avec les marchands (les galeristes (les « marchands ») sont certainement des exemples des façons de traiter les affaires); transmission et héritage; mais aussi nettement parfois (comme pour Dorothea Tanning) des amitiés solides et fréquentes avec des femmes.

Feuille de route.
Il faudrait (ce n’est plus du ressort de l’employé aux écritures, mais il faudrait) regarder de plus près les diverses prises de position : ce n’est pas que DF mente particulièrement, mais l’onctuosité des propos de son interlocuteur et la connivence qu’il entretient masque assez souvent la réalité des choses.
Affiner les données (assurer les dates (vie et mort) et les orthographes des personnes citées.
Comparer avec les places acquises :
la façon de juger les pairs ( Nesuhi Ertegün, Jean-Luc Lagardère…) et cette constitution de parité;
en peinture, par exemple, la dimension des choix dans la collection (« jamais été un fanatique de Miro » :  mais fanatique de Ernst ? de Clovis Trouille ? et « fanatique » veut dire quoi, au juste ?);
par exemple la politique éditoriale aux Cahiers du cinéma (1962-1970) – une histoire du canard a été commise par Antoine de Baecque (la pièce est certainement (très) illustrée, deux tomes, trop cher pour mes maigres moyens – je trouverai sans doute (si j’y succombe) un exemplaire en bibliothèque – le canard aujourd’hui est aux mains des puissants, comme alors d’ailleurs);
par exemple l’activité éditoriale en regard du jazz;
ou encore les divers magazines créés;
les relations d’affaire – les images qui montrent DF et Jean-Luc Lagardère par exemple sont toutes du fonds Ghetty etc.). Ce qui fait du travail, mais qui se conçoit un peu. Pour le moment.

Nous verrons par la suite.

 

 

Numéro 5

Salvador Dali
Poucette
Victor Brauner
Magritte
Hans Bellmer
Wolfgang Paalen
Clovis Trouille
Delvaux (Paul)
Miro (Juan)
Max Ernst (les 180 collages de la semaine de bonté)
Dorothea Tanning
Serge Gainsbourg
Nesuhi Ertegün
Facteur Cheval
Valentine Hugo
Joseph Cornell (1903-1972)
Charles Matton
Jean-Luc Lagardère (et aussi Arnaud)
Agnès Cruz

 

 

 

 

Numéro 5
Collectionneur des surréalistes

 

 

Nous sommes avec on peut le dire, il va bien sûr le nier cette évidence, l’un des plus grands collectionneur de peintures de la planète…
De surréalisme. Parce que c’est un peu si vous voulez le même problème qu’avec le jazz, les gens pourraient croire que je suis un amateur de musique, je n’aime pas la musique… en général, j’aime le jazz en particulier et en ce qui concerne l’art eh bien pour la peinture c’est pareil, j’aime la peinture surréaliste les autres peintures ne m’intéressent pas.

Et alors dans cette peinture vous avez des gens que vous avez connus j’imagine qu’il doit y avoir un lien particulier avec les gens que vous avez connus, euh j’imagine qu’il doit y avoir un lien particulier avec certains que vous avez connus, euh… Dali…
Ben je les ai connus parce que je connaissais leur peinture, c’est pas le contraire, j’ai fais la connaissance de certains peintres après, parce que j’ai fait des livres… sur eux… des choses comme ça… mais je les aimais avant de les connaître… et d’ailleurs il vaut mieux s’intéresser à la création qu’au créateur d’une façon générale…

et vous disiez aussi qu’il vaut mieux toujours acheter à un marchand qu’à un artiste…
Je ne disais pas toujours… les artistes sont plus difficiles, dans les négociations d’abord les artistes ils aiment leurs œuvres ils n’ont pas envie de s’en séparer, et ils considèrent que quel que soit le prix que vous leur en offrez c’est toujours insuffisant, et ils ont d’ailleurs en général raison.. avec les marchands vous n’êtes gêné, vous leur dites écoutez votre truc c’est trop cher, baissez moi ça tout de suite vous ne pouvez pas dire ça à un artiste…

Quel était votre premier achat ?
Ben je le raconte dans le livre, avec Poucette, vous n’avez pas lu ce passage ?

Si… mais j’aimerai que vous le racontiez, pour les gens qui n’ont pas encore lu le livre (sourire)
Ouais… Oui, eh ben c’était une petite jeune fille qui était à la terrasse des cafés, du Flore notamment et qui avait un grand carton à dessin, avec des choses dedans, j’ai pensé à ça quand j’ai commencé à écrire ce livre, c’est un souvenir qui est revenu, mais il y en a peut-être eu d’autres, des choses que j’avais peut-être commencé avant mais la chose qui m’a frappée c’est ça, l’achat de cette œuvre à Poucette…

Et aujourd’hui, quels sont les artistes que vous préférez, Victor Brauner ou… ?
J’aime beaucoup Brauner, mais c’est un peu difficile de les mettre dans un ordre…

Vous l’avez fait pour le cinéma…
Oui, mais il s’agissait d’un film, quand on parle d’une œuvre, quand on parle d’un artiste, on parle de son œuvre or il peut y avoir des périodes qu’on aime qu’on n’aime pas c’est pour ça que je vous dit que c’est plus difficile, alors dans ce domaine dont nous parlons le surréalisme, je pense que les plus grands c’est quand même évident, Dali Magritte alors Brauner en fait partie, on peut dire aussi que Miro en fait partie même si c’est pas mon préféré, et puis il y a à mon avis d’autres qui sont aussi extrêmement importants même s’ils sont moins connus Hans Bellmer, ou des gens comme ça ou Wolfgang Paalen j’aime aussi Clovis Trouille qui n’est pas considéré comme un grand peintre, mais que j’aime beaucoup

Clovis Trouille dans votre bureau à l’époque où vous étiez patron de presse,Clovis Trouille trônait dans votre bureau avec une guillotine, c’était pour quelle raison le choix de ce tableau particulier de cette guillotine dans le bureau d’un patron de presse ?
Ben écoutez je suis incapable de vous dire le pourquoi de ce choix particulier…

avec une vanité d’ailleurs…
Oui… j’avais plusieurs Clovis Trouille d’ailleurs, c’est un artiste que j’ai toujours considéré comme très important.

Et vous avez l’impression d’avoir continué une collection commencée par votre père ou vous avez l’impression…
(coupant) Non, mon père n’avait pas de tableau..Mon père n’avait pas de tableau, d’abord il n’avait pas d’argent et déjà même à l’époque c’était déjà cher, mon père avait beaucoup de beaux livres mais n’avait pas de tableaux, alors moi j’ai commencé quand j’ai commencé à avoir de l’argent, si vous n’avez pas d’argent c’est très difficile d’acheter des œuvres d’art…

Et quand vous avez commencé à en acquérir c’était à quelle époque ? Et vous avez commencé par qui, Dali ?
Oui, Non j’ai commencé, j’ai commencé… Dali a toujours été très cher alors j’ai commencé je crois par… Magritte… oui, Magritte

Delvaux ?
Plus tard, oui

Et chez un collectionneur, il y a toujours une douleur j’imagine quand on se sépare d’un œuvre, quand on la vend, quand on s’en sépare,quel est le cycle des œuvres chez vous comment ça se passe ? Parce qu’il y a eu une gigantesque exposition où vous aviez rempli le Guggenheim Muséum à NY avec votre collection de peintres et d’objets surréalistes, est- ce qu’il y avait une chronologie des œuvres ?
Oui, bien sûr. Quelquefois c’est nécessaire de vendre pour pouvoir améliorer, et avoir quelque chose de mieux… et puis on peut avoir des goûts qui évoluent un peu, on peut préférer un artiste à certaines époques et puis changer un peu de goût, ça m’est arrivé, par exemple je n’ai jamais été un fanatique de Miro, alors j’avais des œuvres de Miro mais ça ne m’a jamais vraiment accroché, alors je les ai vendues pour en acheter d’autres, Max Ernst notamment…

Il y a une dimension extrêmement sexuelle dans tout le surréalisme pas seulement en peinture, il y a l’humour et le sexe, est-ce que ces deux composantes c’était une façon de faire le lien entre votre vie professionnelle personnelle artistique… ?
Tout ça est probablement très inconscient, j’ai commencé à m’intéresser à la littérature surréaliste donc à la poésie pour ensuite passer aux arts plastiques, mais tout ça je ne peux pas vous dire exactement ce qui s’est passé dans ma tête…

Max Ernst,vous l’avez bien connu ?
Max Ernst est un de ceux que j’ai connus le mieux, oui, à la fin de sa vie malheureusement parce que je l’ai connu quand même assez tard, et j’étais d’ailleurs très ami avec sa femme, avec laquelle je suis toujours ami, Dorothea Tanning, qui est elle-même un très grand peintre… Il y avait chez Max Ernst un cadeau de Magritte, un tableau que Magritte lui avait donné et qui était « ceci n’est pas une pomme » d’ailleurs en anglais « this is not an apple » Max Ernst qui était un génie, qui avait beaucoup d’humour a dessiné au milieu de la pomme un petit tableau, ce tableau, au milieu de la pomme, un petit tableau, ce qui fait qu’il y a un petit Max Ernst au milieu de ce Magritte, ce qui en fait une œuvre exceptionnelle, vous voyez alors que…

Qui était exposée au Guggenheim et il y est écrit « ceci n’est pas un Magritte »…
C’est ça. C’est sur le petit oiseau peint par Max Ernst, et Magritte qui était moins drôle que Max Ernst n’étais pas content…

Il lui a donné le tableau avant ou après ?
Oui, avant absolument, je crois même que c’était un échange en fait, ils avaient échangé comme font souvent les artistes, un tableau… et après, Max Ernst trouvant ce tableau ennuyeux et un peu stupide, a fait ce dessin au milieu, en fait a ajouté cette petite peinture au milieu…

Vous avez très bien connu Salvador Dali…
Assez bien, oui

Et vous disiez que c’était un homme excessivement généreux…
Euh oui… j’ai dit ça un peu pour contrarier tous les gens qui ne parlaient de Dali que pour…

Avida Dollar…
Les gens étaient jaloux parce que effectivement il vendait assez cher sa peinture dès le départ et l’accusaient d’être extrêmement pingre et cetera ce qui à mon avis n’était pas le cas… mais il aimait provoquer tous les imbéciles, c’était un vrai provocateur mais tellement fin et tellement intelligent que les gens ça les mettait mal à l’aise…

Dali et Gainsbourg se connaissaient ?
Je ne peux pas vous dire.

Vous ne les avez jamais présentés ? Non, non, je sais que Gainsbourg avait un petit dessin de Dali dont il était très fier, mais à part ça je ne sais pas

Quand vous voyez aujourd’hui des grands industriels devenir de grands collectionneurs, devenir aussi les patrons de sociétés de négoce de peinture, ça vous inspire quoi ? … Parce que les seules fois où on peut voir des photos de DF c’est lors de la biennale de Venise, ou lors de la FIAC, vous avez des amis collectionneurs, euh François Pinaut… Claude Berri était un de vos amis ?
Non. Je n’ai pas d’ami collectionneur non.

Vous aviez un grand ami collectionneur qui était Ertegün …
Ah oui, oui, alors évidemment, ça c’était mon meilleur ami, on collectionnait ensemble…

Parce que l’exposition dont on parlait tout à l’heure…
Ah oui, ça c’était après sa mort, j’avais récupéré la plupart de ses tableaux mais oui, bien sûr,mais ça c’était le cas…

Et il y avait des compétitions entre vous…
Des compétitions… !

(rires) sur le choix des œuvres…
Oui, enfin ça c’était un peu de la rigolade, c’était un peu de la rigolade mais enfin, il avait beaucoup plus d’argent que moi au départ, et puis ensuite j’avais un peu plus d’argent que lui, ça s’est inversé mais …

Et le fait qu’il ait été aussi passionné par le jazz, le fait qu’il soit turc…
Turc ça ne m’a jamais impressionné qu’il soit turc…

Non, non,mais
Le jazz, oui… C’était un vrai amateur de jazz, avec beaucoup d’imagination… Il produisait donc des disques, parce que… son frère était surtout le rock, et lui c’était surtout le jazz, donc j’étais beaucoup plus impressionné par ce que faisait Nesuhi, il était exceptionnel, Nesuhi, c’était un homme extraordinaire… À la suite d’un pari, j’ai gagné un portrait du Facteur Cheval qu’il avait, par Valentine Hugo, qu’il avait, que j’ai toujours d’ailleurs… On voulait faire un pari entre un Magritte et ce facteur Cheval et c’est moi qui ai gagné

Vous êtes joueur, DF ?
Non. C’est une sensation qui me déplaît beaucoup. J’aime pas.

Pourquoi ?
Je ne sais pas

vous n’aimez pas perdre ?
(le coupant) Je n’aime pas gagner. J’ai horreur de gagner. Ça me fait peur. Si je vais au casino, que je joue un chiffre, ça m’arrive quelquefois, et que je gagne, je n’aime pas, ça me fait peur, je me dis ça ne va pas, il y a quelque chose qui ne va pas, ça m’inquiète.

Alors vous adorez perdre ?
Je n’adore pas mais ça m’est complètement égal. Pour moi, perdre n’a aucune importance. De l’argent en tout cas.

Donc vous n’êtes pas un vrai joueur parce que les vrais joueurs eux…
Oui, je suis assez hostile au jeu, fondamentalement, peut-être parce que au départ j’aurais eu tendance à aimer ça, et que j’aurais fait une mauvaise expérience, je ne sais pas mais enfin, c’est comme ça, depuis très longtemps… Parce que vous vous êtes joueur ?

Non. Non moi je n’ai aucun vice.
Bon ça va (rires)

Vous disiez que vous aviez beaucoup souffert du fait que votre père n’était pas le propriétaire de ses boites…
Moi ?

Oui…
C’est pas moi qui en ai souffert c’est lui

Et que du coup il n’était pas question que vous ne soyez pas le patron…
Mais il disait le contraire. Je me souviens très bien que mon père me disait qu’il valait mieux être employé, le grand employé si possible d’une grande firme, que d’être le petit patron d’une petite boîte… Il disait ça, or toute sa vie j’ai vu qu’il essayait de faire le contraire, il n’a fait que ça, puisqu’il en a monté des petites boites, il en monté notamment une qui marchait assez bien, qui était Film Office…

Oui, qui était la première boîte de vidéo
Voilà, c’était la première boîte de vidéos, mais son point de vue c’était si on est employé d’une firme, on peut partir en vacances on se fout de tout, si on est le patron en l’occurrence d’une petite boite c’est à dire si on s’occupe de tout alors on n’a plus de vacances on n’a plus de nuit tranquille, on n’a plus rien, c’est affreux… C’est ce qu’il me disait… alors que moi j’avais envie de monter mon truc et cetera… d’ailleurs tant que mon père était vivant, je n’aurais peut-être jamais pu faire ça

Et votre mère vous conseillait de faire quoi…
Je ne sais pas ma mère ne me donnait pas spécialement de conseils, je raconte dans mon livre que ma mère voulait que je sois dentiste, parce que elle avait un dentiste qui était un idiot qui gagnait beaucoup d’argent alors elle se disait pour mon fils c’est l’idéal…(rires)

Un idiot qui gagnait beaucoup d’argent (rires)
Oui (rires) oui parce que comme j’étais devenu un assez mauvais élève, après la guerre, à cause de la guerre d’ailleurs c’est mon excuse parce que au départ j’étais très bon,

Vous avez été un enfant traumatisé par la guerre…
Absolument.

En particulier dans l’hôtel de la rue Monsieur le Prince…
Oui…

D’ailleurs vous donnez l’impression d’un homme très traumatisé par les événements
Vraiment, vous trouvez ?

Oui, de quelqu’un d’assez on est très inquiet quand on vous voit…
Ah bon (rires)…

DF, il y a un artiste que vous devez aimer particulièrement puisque vous avez même édité un livre sur lui, et sur ses boîtes en particulier, c’est Joseph Cornell, alors qu’est-ce que c’est qu’une boîte de Cornell ?
Eh bien une boîte de Cornell, c’est une boîte comme son nom l’indique mais qui contient divers objets que Cornell a récolté à droite et à gauche mais qui correspondent à des choses si vous voulez personnelles si vous voulez, qu’il a dans la tête, il y a beaucoup de femmes, beaucoup de poupées, il y a beaucoup d’objets de la mer, que ce soient des coquillages, des étoiles de mer ou des algues ou… écologiques… c’est un domaine très… très curieux, et finalement très poétique… Moi j’adore et ça commence à être vraiment très très recherché et pris au sérieux vous voyez dans cette spécialité qui est un peu négligée comme ça…

Et ce sont des pièces uniques ?
À ma connaissance, oui, il n’y a pas d’édition, ce sont toujours des pièces uniques, cela dit il a fait beaucoup de boites qui se ressemblent enfin, avec des analogies… Il a fait beaucoup de boites qui s’appellent des hôtels qui représentent des espèces de de façades d’hôtel, des enseignes d’hôtels, c’était… il était obsédé par la langue française, Cornell bien qu’il n’ait jamais mis les pieds en Europe…

Et vous l’avez bien connu ?
Non. Non, parce qu’il est mort dans les années soixante, avant que je… enfin non j’ai commencé à m’intéresser assez tôt aux boites parce que il faut dire que des gens m’en ont parlé, Dorothéa Tanning elle était amie avec lui et m’en a parlé a attiré mon attention sur ces boites…
Et les boites de Charles Matton, vous les considérez…
Ah oui, ça c’est quelque chose de tout à fait différent, il faisait des œuvres extraordinaires, Matton dans un autre genre, alors…

(coupant) Vous avez des boites de Charles Matton aussi…
Oui, j’en… j’en ai, oui, c’est beaucoup plus grand, ce sont des œuvres importantes, j’en ai quelques unes oui, très intéressant ce que faisait Matton… Vous voyez, les peintres les sculpteurs sont pris très au sérieux dans le domaine… déjà quand on commence à sortir franchement de ce domaine, on a beaucoup de mal, ceux qui se sont aventurés dans le collage..quant aux boites alors ça c’était vraiment considéré comme quelque chose d’accessoire et…

Et les hyperréalistes américains, ça vous plaît toujours ?
Ça me plaît toujours malheureusement bon… ils ont un inconvénient c’est que ce sont d’énormes peintures alors on ne sait pas où les mettre… ça a l’air idiot de dire ça

Oui, ce sont des petites culottes de très grandes tailles…
Mais il faut quand même, on n’achète pas … moi je n’achète pas les choses pour les mettre dans un placard ou dans un garde meuble… alors une fois que vous avez réussi à placer sur vos murs un ou deux grands tableaux, qu’est-ce que vous faites ?

Et vous n’avez pas envie de faire une fondation ? Non
Pourquoi ? Je ne vois pas l’intérêt.

Transmettre aux gens qui pourraient aimer vos œuvres non ?
Je n’ai rien à transmettre, non. Alors ça je trouve ça mégalomaniaque de faire une fondation, je trouve ça ridicule… Consacré à un artiste peut-être, si on a décidé de promouvoir un artiste… non et puis c’est pas, mettre son nom sur un truc parce que si vous faites une fondation vous l’appelez forcément quelque chose qui a un rapport avec vous sinon…

Non mais votre maison de disques s’appelait WEA F, votre maison de presse, F, vos pochettes F, votre nom ne vous gênait pas…
Non, non, dans ce domaine ça va… encore que je ne l’aie pas fait exprès, mais enfin ça s’est trouvé comme ça, bon… Non, non, d’ailleurs je ne veux pas accuser, d’ailleurs qui sont les gens qui font des fondations, moi je ne les connais même pas mais moi, ça ne m’intéresse pas…

Mais vous n’êtes pas du tout dynastique alors, il y a beaucoup de patrons qui ont chois de transmettre leur entreprise à leurs enfants, ben votre ami, Jean-Luc Lagardère avait choisi de transmettre à son fils, qu’est-ce que vous pensez de ces choix dynastiques, justement ?
Je ne trouve pas ça très honnête… franchement… Pourquoi ? Parce que de parachuter quelqu’un sous prétexte qu’il est de votre sang, que c’est votre fils, avant de savoir en plus, parce que dans l’esprit de Jean-Luc ce n’était même pas Arnaud avait trois ans, ce n’était même pas une question de… je ne trouve pas ça très gentil pour les gens qui… qui restent…

Oui, vous pensez qu’ils n’ont pas forcément envie de faire ça ?
Les héritiers ? Les héritiers… D’abord ils n’ont pas forcément envie de faire ça, ensuite les gens qui travaillent dans l’entreprise n’ont peut-être pas envie d’avoir quelqu’un d’incompétent à la tête de l’entreprise sous prétexte qu’il est le fils du patron… je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire ?

À peu près… Non, mais c’est… je ne trouve pas ça bien… ça marche quelquefois, ça marche très bien, dans certains cas, je ne dis pas que ça rate forcément, je ne dis pas que le fils du patron est forcément un imbécile, dans certains cas d’ailleurs il peut même être supérieur au père, ce n’est même pas le problème, c’est que c’est quand même la loterie… quand vous décidez qu’un enfant de deux ans va être le patron je trouve que c’est un peu exagéré…

Vous voulez dire que votre instinct ne peut pas s’aiguiser là, sur ce genre de choses hein… Oui…
Non, mais Jean-Luc je ne veux pas qu’on prenne ce que je dis comme quelque chose contre … euh Jean-Luc c’était… c’était ça, d’abord il avait le nom de son père, ce qui ne m’a jamais frappé moi, je n’ai jamais eu l’impression d’avoir le nom de mon père, lui c’était ça il avait le nom de son père,et de son grand-père peut-être et puis euh… j’ai l’impression il avait peut-être l’impression de survivre grâce à ça, je ne sais pas… Moi ça ne m’intéresse pas.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus aujourd’hui ?
(un temps)… Vous posez des questions vraiment embarrassantes… (rires)

Ben oui, elles m’embarrassent moi-même je vous rassure (rires) Je ne sais pas… Et vous mon vieux qu’est-ce qui vous intéresse le plus, vous savez le dire ? Ben en ce moment interviewer DF… Ouais ouais….Non écoutez… je m’intéresse beaucoup de choses, ni plus ni moins qu’avant, j’ai toujours un goût pour beaucoup de choses, mais bon… C’est vrai que j’aime bien mes tableaux… j’aime bien… quand je suis chez moi à New-York quand je me réveille de voir mes tableaux je suis content, voilà, c’est tout…

Mais vous n’avez pas envie de les faire partager, vous avez pas envie de refaire une grande expo…
Si n’importe qui peut me demander un rendez-vous je suis ravi de montrer mes tableaux…

Ah oui…d’accord
Mais les mettre dans un musée pour qu’ensuite ils se retrouvent à la cave ou qu’on fasse payer les gens pour venir les voir et les mélanger avec des merdes, ça ça ne m’intéresse pas…

Et refaire une grande exposition comme celle que vous avez faite à Guggenheim il y a dix ans…
C’est trop de boulot, c’est trop tard en plus euh…

Trop tard,pourquoi trop tard ?
Non, et puis c’était bien une fois, c’était au Guggenheim en plus à New York… Euh… j’aurais pu refaire une grande exposition mais… J’aide souvent des expositions locales à un artiste à Paris ou à New-York, mais bon, ça ça va je ne peux pas… Ce qui est bien c’est que c’était accompagné par un catalogue qui était très bien fait par une fille très très bien, qui avait beaucoup de talent, bon ça au moins ça reste

Qui ça ?
Agnès Cruz. L’exposition c’est disparu comme ça, s’il n’y avait pas eu le catalogue, c’est un peu le problème…

Vous voyez quand même il y a le souci de la trace
On peut dire oui, il n’y a pas de honte… peut-être

Non, non,non…
C’est vrai qu’aujourd’hui elle serait différente, il y aurait des choses qui n’existaient pas çà l’époque, il y a des choses qui ne sont plus là, c’est vrai que ça pourrait être intéressant mais c’est un peu tard c’est beaucoup de boulot…

Vous avez fait une grande exposition Delvaux au Grand Palais…
Et puis si vous voulez, on est venu me chercher, les gens du Guggenheim tout d’un coup il y a un type qui s’est mis ça dans la tête aujourd’hui,personne ne vient me chercher je ne vais pas aller… J’ai fait une exposition de Max Ernst, des collages… J’ai exposé les 180 collages de la Semaine de Bonté, ça a commencé à Vienne ça a fait 400 000 personnes, ensuite ça a été à Hambourg, ensuite c’était à Paris au musée d’Orsay donc vous voyez, je fais quand même des choses, ce n’est pas tellement vieux, ça fait deux trois ans…

C’est important pour vous de faire un succès, hein, de faire un rush…
Bof il y a moins de rush que pour aller voir le Titanic… mais oui il y avait des gens que ça intéressait, qui étaient contents de voir ça… quelque chose qu’on n’avait pas eu l’occasion de voir ça a été une fois à Madrid en 1936 et puis après c’était fini…

Vous avez toujours refusé toutes les décorations ?
Ben j’ai refusé de les demander (rires)… C’est pareil, on m’a demandé de demander des décorations, je ne l’ai jamais fait… Mais c’était très gentil, hein, ça partait d’un bon sentiment… On m’a envoyé des papiers que je devais remplir, un modèle de lettre… Voilà c’est tout.

Ben écoutez c’était la fin de ce voyage de 5 épisodes, de 5 étapes avec DF qui n’est ni un patron de presse, ni un homme de radio…
Ça m’a paru très court… (rires)

Ben moi je n’ai jamais entendu DF parler aussi longtemps
Non ça…

Vous non plus ? (rires)
Jamais…

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1 Comment

    merci (j’aime bien leur connivence, comme témoin muet, comme dans le réel quand il m’est arrivé d’être en présences de presque semblables autrefois) et puis quelques goûts communs à ma petite échelle (souvenir aussi de la gentillesse des marchands à une époque où fauchée comme l’étais j’avais l’audace de pousser les portes quai Voltaire, rue de Seine ou en d’autres endroits, en disant je voudrais regarder)