Pendant le weekend

L’effacement

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J’ai le goût de l’archive sans avoir l’art du classement. Je garde tout en vrac dans mes tiroirs – les lettres, les cartes postales, les relevés bancaires, les contrats, les garanties d’appareils ménagers…-, ou dans de grandes chemises toilées serrées par un ruban de tissu.

Je ne sais jamais où se trouvent précisément les choses. Je sais globalement que le boulot est dans les chemises et la vie, dans les tiroirs.

Au fil du temps et des recherches, je regarde pâlir joliment l’encre des lettres et résister celle, sans âme, des imprimés. J’ouvre rarement les dossiers, que je pourrai jeter puisqu’ils sont un poids mort et lourd sur les rayonnages. Mais jeter des papiers (notes, interviews, remarques et autre plans de travaux terminés depuis longtemps) est une activité que je m’interdis. Une manière sans doute de me protéger de l’oubli.

Il y a deux étés, à la demande d’une amie universitaire qui m’invitait à faire une communication dans un colloque Le Clézio, j’ai délacé le corset poussiéreux des notes et autres travaux consacrés à l’écrivain il y a une douzaine d’années. Il me semblait pouvoir y trouver des fragments d’entretiens inédits susceptibles d’enrichir ma conférence.
J’ai dénoué le ruban, vaguement essuyé la poussière qui me piquait les narines et découvert que mon dossier était bourré de… pages brillantes et parfaitement blanches. Pas la moindre lettre, le moindre signe que, sur ces pages de papier thermique (j’avais tout gardé sous forme de photocopies) il y eut un jour un texte manuscrit ou imprimé.
Inquiète, je me suis précipitée sur les tiroirs où je conserve des fax qui, avant  le courrier électronique, étaient un moyen commode et amusant (beaucoup de dessins cocasses) de communiquer avec des amis écrivains.

J’ai retrouvé non sans peine quelques vagues traits sur des surfaces brillantes. Ouf! Tout n’était donc pas perdu. Puis je me suis rendue à la triste évidence. Ces traits sauvegardés n’en avaient plus pour longtemps Encore un an ou deux. Ces fax, n’ont que neuf ans.

Michèle Gazier – Texte inédit

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