Pendant le weekend

Les belles nuits

Sacrifice à la mode et aux injonctions, partout apposées sur les murs (de Paris, certes) qui enjoignent de visiter telle exposition, ou d’aller voir tel film ? Sûrement. Mais aussi le libre choix de suivre telle ou telle mise en demeure : parce que c’est un type qui parlait avec une petite voix, un débit impressionnant, qui recrutait des vieilles personnes, de vieux personnages, et cette sorte de fidélité céleste à certaines

guilietta

et aussi à certains.

mastro-cite-des-femmes

Dimanche soir (à l’heure où la lune blanchit les jardins), vers la rue de Bercy, derrière la gare de Lyon, dans ce bâtiment lisse, glissant, léger, immense, je suis allé voir « 8  et ½ », la salle était bondée, le public, à la fin, s’est cru obligé d’applaudir (je suis gêné par ce type de manifestation de la joie d’un corps éphémère, je suis sorti).

Mais lorsque Snaporaz

frederico

reçoit sa maîtresse et lui dit, derrière elle (plan serré) : « et lui comment va-t-il ? » et qu’elle lui répond « Sgulp !!! » avec son sourire… Lorsque la femme légitime du héros (ce film est une ode magnifique, sensible, naïve à la femme et ce qu’elle est pour nous autres, les hommes, ouais, voilà) sort de la salle de cinéma, et qu’il va la rejoindre, puis qu’il revient à nouveau regarder les essais et la laisse seule… Lorsque  la caméra, juste sur l’épaule de ce délicat Mastroianni (sa tempe droite, cheveux clairs, bord cadre à gauche), cadre ses parents qui s’en vont doucement et que lui dit : « Mama… ?! » et qu’elle se retourne vers lui, son chapeau, sa voilette, son sac et son manteau, le tout d’un blanc si élégant, puis hausse les épaules et s’en va reprendre le bras de son mari qui ne s’est pas arrêté et qu’ils s’en vont vers le fond de l’image, au paradis, probablement… Lorsque les immenses draps blancs qui cachent l’échafaudage se soulèvent de la main de Marcello Frederico

livre

et que la ribambelle de tous les personnages de tous ses films (re)descend sur Terre pour y nouer une farandole dans laquelle Marcello Mastroianni et Anouk Aimée vont prendre leur place un peu gauchement – cette difficulté magnifique de la réalité captée là, ils ne sont plus des acteurs mais des gens comme nous –  et que la musique, un peu un cirque (Zampano et Gelsomina), si célèbre, accompagne les danseurs sous ces lumières artificielles…

saut

Et à ce moment où notre actualité est d’une telle inanité, où les querelles de pouvoir auxquelles nous assistons tous les jours (acteurs, spectateurs, indifférents) si inutilement vaines, tant l’art du merveilleux homme nous aide à surmonter ce quotidien, un seul mot m’est venu (mais celui-là, je ne le dis qu’à toi) : « merci pour cette soirée… »

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