Pendant le weekend

Carnet(s) de voyage #19

Il en est d’agrément, d’affaires, d’interstellaires, on parle du dernier, il a ses gens, il est un but en lui-même parfois, parfois obligé (« ceux qui m’aiment prendront le train » disait ce film – pas vu, n’importe), le voyage  nous constitue autant que nous le suivons, qu’il nous intime de poursuivre, même à l’aide de drogues, d’alcools ou de rêves. On sort des villes, on laisse derrière soi les chantiers, les travaux, les relations et les amis, les enfants et les rues, la pluie aussi, parfois, je regarde au rétroviseur s’en aller ma ville au loin

la veille encore, au fond du lit, avais-je une fièvre de la nostalgie de mes rêves, quelque chose était passé, il y avait eu un rêve certainement, il y avait eu un passage à vide, le travail qui s’était amoncelé et qu’il faudrait finir, était-ce une raison pour se retrouver cloué au lit ?

Puis, le ciel s’est éclairci, peut-être quelque chose s’est-il dénoué… On veut savoir ? Non, on prend l’auto, et on voyage, derrière soi la ville

la forêt de Marly, Poissy et l’usine de Flins, Porcheville et ses deux cheminées, Chaufour, l’autoroute, le long de la route, le vent, le ciel qui devient plus clair, le ciel qui au loin porte lui aussi nos rêves, des voyages il en est de toutes sortes, visiter, parcourir, se rendre finalement, les évidences et les obligations, la veille déjà, l’annonce « il est tombé dans le coma » même s’il s’agit d’un autre homme, un autre vieil homme, le ciel loin devant nous la mer, la Manche on peut arriver

au loin, c’est le Havre qu’on aperçoit, au loin, Kaurismäki, au loin, les pétroles, les bénéfices et les impôts zéro, au loin l’industrie, jamais il n’y a eu autant de milliardaires au monde, jamais, c’est en dollars, et jamais nous n’avons été si nombreux. Ici. Sur Terre.

Nous passons.

il fait beau, dis, regarde s’il fait beau

il fait beau, il faut bien, le mois de Mars pourtant, l’eau qui bouge et gronde, la marée, au loin, des milliers de bateaux qui croisent, nous avons marché, garé la voiture, au premier étage, cette chambre là, la porte, quatre gonds la supportent, large à laisser passer un « lit médicalisé » comme ils disent mais on n’y fait que dormir, parfois on y meurt, nous ne faisons que passer, l’homme est là qui sourit, au coeur une valve neuve, ses cheveux blancs et ses lunettes de métal, non, je ne le connais que peu, guère, vu une fois, peut-être deux, déjà, l’homme est là, bouge son fauteuil, mange un sablé au beurre, époussette quelque miette, on mange proprement, on mange bien, on mange, oui, on dort, la boîte de médicaments, la fenêtre qui donne sur une cour, dehors il s’est mis à pleuvoir, mais voilà que cela va cesser, puis on s’en va, je me souviens qu’il ne nous a pas dit « je », je me souviens que la pluie s’est arrêtée, au loin la ville de sa lumière à présent iradiée

au loin des milliers de bateaux transportent nos choses, au loin aussi les nuages se troublent, le vent pousse, la pluie cesse aussi, de l’autre côté de l’estuaire, là-bas brille la paix disait la chanson

il est dix heures, allez viens, on va se coucher, on va dormir, tu te souviens cette descente vers le petit port, il n’y avait là ni barque ni amarre, quelqu’un avait garé là un cabriolet gris, la capote luisait tranquillement, pas un chien, pas un bruit, le soir

viens, demain nous marcherons, demain tu verras, nous retournerons le voir, on l’embrassera, je lui presserai le bras, lui dirai ma sympathie, viens, les rêves sont là, laisse la nuit et les lumières oranges glisser au loin dans l’horizon, remontons ce petit chemin, repassons devant ces villas au bord du fleuve, ces voitures, ces rires et ces joies, la nuit noire passe, toujours, viens allons nous en

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3 Comments

    tant d’échos soulevés par vos mots et vos images…

  • Merci parce que oui

  • @ Elise et Christine : merci à vous deux, parce que oui, en effet…