Pendant le weekend

Porte Dorée

 

Je crois que c’est à cause de la galerie des Dons qu’on y a été; il me semble me souvenir qu’un jour, pour l’aquarium aussi, il y a des années, des lustres même, nous nous y promenions (les enfants avaient 6 et 4 je crois), il paraît m’a dit hier l’ami Chasse-Clou (qu’on retrouvera ici même dès vendredi)  (nous buvions un verre sur la terrasse coin Saint Maur Faubourg) il paraît, donc, qu’un ministre de l’intérieur et de droite (zeugme et lapalissade) avait l’intention d’inaugurer ce lieu et qu’il fut contraint par la rue d’y renoncer : tant mieux. Le lieu a quelque chose de vieillot (#), mais en y entrant on découvre mosaïques au sol et atrium, agora, parasols et lieux de repos, tranquillité, sérénité, douceur de vivre peut-être ?

cité de l'I 3

Le lieu est lourd, cependant : j’ai regardé ce tableau, ce regard et j’ai pensé à Boussardhia…

portrait cité de l'I 8

Les années cinquante et soixante, dans mon souvenir, ne sont pas vraiment les plus gaies de mon existence, je suis comme nous tous un immigré (cependant, si : ce sont les soixante dix et suivantes qui furent et sont, toujours, lourdes). Le musée de l’Histoire de l’Immigration se situe donc à la porte Dorée (anciennement, le musée des Arts Africains et Océaniens) : il s’y trouve une collection d’objets simplement magnifiques.

frise mosaïque cité de l'I2

J’ai tellement aimé le lieu, les présentations, les photos (on y donne quatre photos d’Alger réunies en une seule affiche, de toute beauté, généreusement offerte), les objets, tous les objets, les papiers, le menu de ce restaurant Dominique franco-russe (pas de cliché : maintenant, comme je le regrette mais j’y retournerai; j’y proposerai même mes services), on y écoutera une vingtaine de chansons (« c’est moi, c’est l’Italien, est-ce qu’il y a quelqu’un est-ce qu’il y a quelqu’une ? » il m’en souvient – faute de goût, cependant à relever : la chanson n’est pas interprétée par Serge Reggiani mais par Bénabar qu’on a du mal à supporter…), tant d’autres, Mouloudji – qui se prénommait Marcel- et d’autres encore), on y trouve des films (ici Jorge Semprun qui parle

jorge semprun cité de l'I 4

cet homme son livre magnifique « L’écriture ou la vie », ou sa collaboration avec Costa-Gavras dans « Z » ce film qui m’a tellement fait aimer le cinéma, et d’autres Resnais sans doute et Montand et d’autres encore et encore) et cette idée qu’on retrouve dans toute cette exposition que, quiconque d’entre nous, jamais ne sommes autre chose que des humains, ces rires aux photos

coiffeurs cité de l'I 7

ces catastrophes algériennes, portugaises espagnoles, de nos jours maliennes, ces vies brisées et toujours et à nouveau ressuscitées, relevées, toujours et à nouveau, rire et encore porter au front la chaleur de la vérité, de l’humanité, les manifestations de soixante et un et les Arabes à la Seine, la honte et l’horreur le sang et les larmes, oui, et alors, jamais rien n’aura le dessus sur un sourire

portarits coité de l'I 6

jamais…

portarits cité de l'I 5

J’ai regardé cette exposition, tout autour de l’atrium de l’entrée courrent des balcons et sur l’un d’entre eux, donc, la galerie des Dons où j’ai pensé donner le cahier de mon père, peut-être, pourquoi pas, où on retrouvera tant et tant d’histoire(s), Le Caire, Beyrouth, le Vietnam ou le Laos, parfois étaient-ce des Roms  (mais je n’en ai guère vu, pourtant sauf dans la librairie du rez-de-chaussée, je ne sais plus, je regarde passer dans les rues aujourd’hui ces camionnettes immatriculées en Bulgarie ou en Pologne, je lis (dans le même temps, les choses ont un sens, souvent) le « Faux Nègres » de l’ami Thierry Beinstingel

frises mosaïques C de LI

je re vois les mosaïques de mon enfance, je passe sur le faubourg, une ombre, qui donc, ici, qui donc peut dire qu’il faudrait, pour vivre ici, y être né ? Ce monde, tu sais… Mais que j »aime au ciel voir ses nuages…

18#51Paris Jardin des Tuileries

(#) : Il m’a semblé, très vite, en visitant cette exposition, que ce qui y est nommé « immigration » avait quelque chose d’assez frelaté : inauguré par un certain maréchal Lyautey (dont, je crois, il reste quelques traces, notamment son bureau), de mémoire plutôt sinistre, le lieu (Palais de la Porte de Dorée, inauguration lors de l’exposition coloniale de 1931) qui abrite aujourd’hui le musée de l’histoire l’immigration a été nommé (tout d’abord ?) la « cité nationale de l’histoire de l’immigration ».

Pour ma part, je l’aurais nommé musée du voyage et du passage.

J’ai l’impression que ce mot « immigration » est outre que tellement technocratique, complètement miné (comme pour la photographie parler d’amateur et de professionnel) : la nommer c’est l’adopter (comme on le fait des mules en reptiles-dixit Thomas Fersen). Or, si les Italiens furent nommés, lorsqu’ils arrivèrent, « sales ritals » par les précédents, eux-mêmes (très probablement) nommèrent « sales arabes » les suivants pour ne parler que de quelques années des passagers de cette douce France. Il se trouve (je crois que c’est René Goscinny qui en parle dans l’exposition) que, plus le temps ira, et plus les étrangers seront nombreux (et de plus partout sur cette malheureuse Terre)  : il va falloir s’y faire. Et donc, la frilosité de la « droite la plus bête du monde » comme disait l’autre est sans doute à mettre au crédit de la dénomination de ce musée par ailleurs formidable et magnifique. Comme quoi…

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3 Comments

    Il est heureux qu’un tel lieu de mémoire existe (je le connais « avant », et un jour j’ai pris Jean-Marie Djibaou en photo, au 6 x 6, quand il était venu le visiter, peu avant son assassinat) et que son architecture ait été gardée telle quelle.

    Bravo pour le texte et les photos qui rendent bien compte de tout le passé – et le présent en marche – de cette « immigration » (Rocard et son peu glorieux « toute la misère du monde… », refrain permanent et lancinant des politiques suivies et semblables en ce domaine).

    Il faudra que j’y aille, d’autant que le lac Daumesnil est à côté, comme une Méditerranée (vraiment) vue en réduction et que l’on peut franchir à la rame !

  • J’aime beaucoup ce lieu. J’y ai vu de chouettes expos et des spectacles aussi : Le poète comme boxeur de la Compagnie El Adjouad(sur Kateb Yacine) et La tonkinoise de l’ile de Groix de Dominique Rolland.

  • « zeugme et lapalissade » : savoureux