Pendant le weekend

La petite fabrique du livre #3

 

 

 

Du fil du carton du papier, du cuir et de l’or. Et de l’encre.

La petite fabrique était dans une espèce de stase : il est difficile de l’expliquer, mais deux raisons au moins y sont pour quelque chose. La vitesse de la vie et l’appréhension de la technique. Augmentées de ma propre paresse, sans doute, laquelle a trouvé son eau dans un sentiment d’instrumentalisation. Il faut bien travailler – je travaille; et ça prend du temps, comme on sait. Et puis, de l’énergie, on a besoin de se reposer; et puis dans les mêmes et exacts espace et temps, des gens disparaissent – des tant aimés, d’autres inconnus mais proches. Nous autres (les vivants, je veux dire), devant nous, regardons et continuons cependant (sans eux, ôtés à notre affection).

On y a donc mis du temps, voici l’épisode troisième.

Trois temps illustrent ce numéro : la rencontre avec le directeur des ventes d’une grande maison (Gallimard); le premier voyage à Lagny; l’entretien lors du deuxième voyage.

Déjà, j’y fus pour mélico (j’y avais rencontré madame Hélène Delaportalière, l’entretien qu’elle m’avait accordé faisait part de la proximité qui unissait la Sodis (organe de distribution de la production de la grande maison) avec l’atelier de fabrication Babouot : à nouveau, ici, tous mes remerciements).

Un samedi matin, au café, ledit directeur des ventes (tous mes remerciements, ici aussi) m’a proposé – en lieu et place d’un entretien que je lui demandais et qu’ainsi il déclinait – une visite des ateliers de production des livres de cette collection prestigieuse, la Pléiade. J’aime marcher,comme on sait. J’ai marché.

La visite eut lieu le 7 mars 2017, elle était destinée à des libraires et autres vitrines de ce type de production (je veux dire des livres, chers et travaillés – très travaillés, illustres et célèbres, « peut être la plus belle collection de livres du monde »  (tout est dans le « peut-être »)). On part assez tôt, café petites viennoiseries au siège puis un petit autobus qui traverse la Seine (pont Royal)

on croise le pont du Carrousel, emprunte l’autoroute de l’est, longe la Marne. Arrivée

(je ne sais si on distingue : les ateliers de reliure sont figurés sur cette image par le rectangle clair qu’on discerne au centre un peu vers le bas de l’image satellite; proximité de la rivière Marne : entre les ateliers et la rivière, les entrepôts et les bureaux de la Sodis – il me semblait qu’une espèce de passerelle unissait les deux établissement mais, en fait non – enfin si mais pas avec cet atelier

).On descend, entre dans la cour, par cette porte

un peu sur la droite, sous l’enseigne, dans l’atelier, on est peut-être quarante (deux tiers de femmes, un tiers d’hommes), on fait trois groupes les uns vont ici, d’autres là, moi au hasard, on visite

c’est évidemment merveilleux, on comprend comment on fait un livre, cartons

papiers couchés

ou d’autres pour Nicole

des milliers d’exemplaires de François René de

(en spéciale dédicace à Anne Savelli), des cordons

du fil

encore des cartons (comptés, cette fois)

des images, des souvenirs, des auteurs : une vraie constellation

la production du moment  au dessus il est jeune, ici il a atteint l’âge adulte

il sourit, nous aussi, on apprend, on va regarder la remise, on rêve un peu, on voit des ouvrier(e)s découper du cuir, on envisage l’or sur les tranches et on apprend les codes couleur (j’ai oublié, pardon), ici deux tomes

à moins que ce ne soit deux exemplaires d’un même testament, les gens bossent nous passons, on entend des rires, des cris des machines qui oeuvrent, tournent cousent, polissent, classent, les gens pensent, on voit des outils

on ne sait pas bien, on avance, il est bientôt onze heures trente, on passe dans la bibliothèque, on nous donne un exemplaire de ce qu’on veut (ce sont des retours, des invendus, des non-conformes, j’ai pris le tome 3 des oeuvres complètes d’Albert Camus) puis il est temps de rentrer, en sens inverse (je tape la discute avec une dame qui sur un site internet vend des livres), trajet retour il est une heure, on entre dans la maison du 1 de la rue, on nous attend on déjeune debout de mets raffinés, on boit un peu de vin, on boit un peu de café, les gens, oui ça a été  c’était intéressant – on est vraiment bien traités, non ? – on voit le jardin à travers la baie vitrée et on imagine soit Gide soit Gaston, enfin l’entre deux guerres, de l’autre côté se tient le bureau du directeur de collection, il arrivera nous entretiendra des tenants, aboutissants, parcourant les lignes d’édition le catalogue les nouveautés, les anciennetés, les difficultés et les joyeusetés, puis le directeur du marketing puis encore puis encore, je me suis éclipsé vers cinq heures, rue du Beaune j’ai marché, à main droite il y avait l’hôtel où TNPPI a vécu trente ou quarante ans, je me suis souvenu du temps où je vivais rue de Lille, où le soir en rentrant, des poubelles de cette même maison on trouvait des cartons sur lesquels on dessinait au pastel, ces couleurs magnifiques qu’on trouve en vente, sur le quai, un peu plus loin (là où vivait un ex-président de la république, maintenant sénile malheureux qui faisait rire – ma mère l’aimait assez – c’est pour dire la sympathie qu’il dégageait – on (mais qui ? le canard peut-être) l’avait surnommé « cinq minutes douche comprise », là sur le pont

si on regarde vers l’ouest, au couchant, loin au loin le Havre peut-être, et vers l’est

en passant par Lagny, au levant on trouvera (loin, sans doute) Vladivostok, marcher oui, un moment, puis j’y suis retourné début avril, madame Sylvie Croquelois qui est la directrice de fabrication de l’atelier Babouot m’a accordé très gentiment un entretien où elle parle de son métier, de son parcours, du travail, des livres et des ventes, voilà, il reste à écouter huit chapitres, c’est sur l’aiR Nu

 

  1. (5mn 19) Son cursus professionnel: des débuts dans l’édition, technicienne de fabrication (40 ans en 96 et au chômage : que faire ?) puis responsable de production entrée à la Pléïade – reliure
  2. (3mn45) Ses débuts à la Pléïade (apprentissage avec Jean-Pierre Rietsch) ; fan de bandes dessinées. Quelques indices de la technique (restent 20 titres à plat, simples)
  3. (4mn58) Les stocks (une très vieille dame) Le directeur de l’édition, Yves Pradier ; Marguerite Yourcenar ; Madame de Staël ; Benjamin Constant. Les papiers (papéterie du Léman spécificité 36 grammes)
  4. (4mn21) De l’image de la collection : qui lit les Pléiade ? au sujet de Simenon, Jean d’Ormesson. Des conditions de travail, et du travail en lui-même
  5. (4mn16) Cheffe de fabrication. Travail dans une usine, de la formation et de la transmission.
  6. (5mn13) Du cuir; procédés et Perec
  7. (3 mn53) De la fabrication et du papier les 3 semaines de fabrication
  8. (5mn29) Des autres clients… et de l’or

 

Encore merci à elle, ainsi qu’à toute la maison (magnifique) qui a accueilli cette entreprise.

 

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1 Comment

    On aime relire, on aimerait relier…

    Bizarre, quand même, que ne voit pas Jean d’Ormesson, il est pourtant partout ! 😉