Pendant le weekend

cahier 44-45 suite

 

Dans le cadre d’une réponse à un appel à projet, j’avais produit ce texte pour la qualification. Je le pose ici pour ne pas l’oublier.

(add du huit avril 18 : l’appel à projet est clos ainsi que – sans doute – la qualification, on n’a pas reçu de réponse (ce qui implique qu’on n’a pas été choisi) mais ces façons de faire troublent – un peu comme (je me souviens) le trouble observé et ressenti par ce cher Fabius (Laurent, premier ministre de celui qui ordonnait sans le savoir (ahahah) – ainsi que son affidé (bis) – la mise au pas des toutes ces personnes juchées sur ce Rainbow Warrior (un mort, merci qui ?) – toutes proportions gardées bien sûr) devant certaines prises de positions de wtf le président polonais d’alors Jaruzelski (aka lunettes noires) – je ris, certes, mais pas jaune. Il fait beau, c’est le printemps, que cette météo vous agrée…

 

Hybride métisse composite

 

Le rédacteur est sociologue, il n’est que peu cinéaste ou bien écrivain, littérateur ou auteur – la photographie et l’image fixe sont aussi dans la palette des possibles – : ainsi que d’autres, il (ne) s’autorise (que) de lui-même (le cinéma, la littérature, la photographie : les bases de ses amours).

Il s’exprime en français mais maîtrise l’anglais, connaît bien l’italien, tout en sachant quelques mots (surtout des gros) d’arabe : ceci est dû à sa jeunesse, toute prime, qu’il vécut dans les faubourgs de Tunis qui n’en étaient pas encore – il s’agissait alors de petites villes éloignées et La Marsa lui semblait le bout du monde – ce n’était que le bout de cette petite ligne de chemin de fer nommée TGM.

Mais au fond, la Marsa, c’est toujours le bout du monde.

Ses parents (nombre de ses parents, ceux de la famille de son père) vivaient – comme lui, donc – son frère, ses sœurs – à Carthage, non loin de cette plage qui se nomme Neptune – et Salammbô et Gammarth étaient alors d’autres bouts du monde que pratiquement comme sa poche il connaissait, tout comme il connaissait certains quartiers de Tunis, du fait de la proximité affective qu’il entretenait avec la famille de sa mère (de ce côté-là, le grand-père se prénommait aussi V., et avait entretenu, avant-guerre, des relations d’affaire avec l’autre grand-père, paternel, donc, le frère du héros de ce travail composite).

A Carthage, au bas de l’avenue qui allait alors à la mer (elle est depuis rendue à une espèce d’impasse, matérialisée par du béton sur lequel stationne souvent quelque motocyclette de police) vivait la famille d’un de ses grands-oncles, lequel tenait un garage (qu’il avait intitulé de son propre prénom) aujourd’hui disparu situé à Tunis en bas de l’avenue Habib Bourguiba (elle devait être encore de France, à cette époque-là, à cet endroit-là) (sur la droite, quand on regarde la lagune, non loin du terminus du TGM d’alors). On allait se baigner là, en bas de l’avenue dite du Théâtre romain, le boulanger passait (il conduisait une Juva 4 break bleue dans le souvenir), les mômes vendaient des lampes à huile authentiques de l’époque romaine, il y avait un soleil en plomb et des senteurs de fleurs et de fruits et de roses.

 

Le centre de l’histoire.
Un autre des oncles de son père vivait à Tunis, rue Es Sadikya alors, il était médecin, dermatologue, on allait chez lui pour les rappels des vaccins de polio :

–      revu un après-midi d’août 73 dans son appartement dont on ignorait alors tout, les arcades, les plateaux de cuivre ouvragés, les bouteilles de soda individuelles

–      étudiant en mathématiques à Paris, le rédacteur donnera plus tard des cours de remise à niveau comme on dit à quelques lycéen.ne.s en difficultés (passagères sans doute) et avait emprunté à la femme de cet oncle (il se nommait Elie, elle s’appelait Lucienne) des livres de maths de ces années-là (ce sont les années 80), il vivait avec elle rue de la Marseillaise dans le 19

–      on se souvient de lui

–      c’est un homme qui naquit en 98 – c’était encore le dix neuvième siècle imagine-toi – , trois ans après le cinéma, il devait avoir alors dans les 80 ans donc – l’immeuble en briques rouges puis de sa disparition et de l’installation de Lucienne dans ce studio du bas de la rue de Montreuil alors qu’on s’en allait vivre rue Paul de Koch à présent

–      tout a disparu, tu sais bien…

–      les repères biographiques indiquent qu’il a disparu à 90 ans – je ne suis pas allé à son enterrement et pour savoir où il repose… – ce ne sera pas difficile.

 

Des images qu’il nous faut, la rue de Marseille (où vivait la famille de sa belle-sœur), celle de Mexico (alors Kellerman), le Belvédère, les jardins, les différentes adresses, le souvenir des choses passées comme la SFIO le cinéma ABC, le vendeur de glaces à la violette – mais aussi, les pseudonymes adoptés (un roman semble-t-il signé « Blanchet » en relation avec la pratique médicale, les trois rues du quartier réservé (entre deux guerres, la « grande maison »…); les divers articles les divers pseudonymes ; et d’autres choses sûrement)

 

Ca ne se désagrège pas : il pense comme dit-on pensait ce grand oncle : français, tunisien, juif, indécidable identité, mais les trois à la fois. Lui comme moi comme son frère comme mon père nous sommes juifs – son frère se nommait V. comme le mien, assassiné à Auschwitz en 44 (déporté en convoi 67 du 3 février, ville de départ : Drancy) son fils mon père dans la guerre débarqua à La Croix-Valmer (c’est dans le Var) après un passage par Tarente (la plante du pied de l’Italie, entre le talon et les orteils – je n’oublie pas les musulmans des camps, comment cela m’était-il parvenu, sans doute par Bertolt Brecht ou Bruno Bettelheim) : reste de ce périple un cahier, où apparaît cet oncle, à Mulhouse

 

Ni oubli ni pardon

 

Pour ne pas oublier, des billets de blogs à l’enseigne de « l’employé aux écritures » (enseigne partagée par la grâce de Martine Sonnet, historienne) reprennent les pages de ce cahier, et les illustrent (il faudrait reprendre contact avec ce musée de la porte Dorée, lequel dans sa galerie des dons, si elle existe encore, garde les témoignages et les objets de celles et ceux qui en passèrent par l’exil ou le déracinement) à l’adresse http://www.pendantleweekend.net/category/employe-aux-ecritures-carnets-44-45/cahier-39-45/

 

Ca ne se désagrègera pas, indissolublement, la Tunisie alors comme terre de fraternité peut-être avec les arabes les musulmans les islamistes comment veux-tu qu’on les nomme suivant les heures des jours et des nuits à présent, les toutes jeunes années voilà la recherche : qu’est devenu ce pays ? Où en est-il ? Où en sommes-nous, lui et moi ? L’enquête devra se dérouler sur place (il reste des amis, des connaissances miennes – mais des gens qui l’ont connus, lui ? que reste-t-il de la SFIO ? de l’OSE ? de la FIDH ? on voit bien qu’à ces questions ne restent que des réponses qui ne peuvent être que pendables : se pourrait-il qu’il en soit autrement ? évidemment aussi l’idéologie pointe son ombre, peut-être, mais à gauche)

 

Ici se placera une oeuvre, un objet, un film qu’il faut souligner : il s’agit de « Carré 35 » (Eric Caravaca, 2017) qui correspond à quelque chose de semblable, tangent à ce qu’on aimerait produire ici. Il ne s’agira pas (seulement) d’un film pourtant : cette Tunisie-là (comme le Maroc, là-bas au « Carré 35 ») s’impose comme un décor, tout comme la France pour Elie : l’histoire de cet oncle-là, qui resta là (mais où à Tunis ?) jusqu’à la fin peut-être des années 70 – s’il s’en échappa avant, je ne sais pas, je voudrais bien en savoir les conditions. Il s’agit de chercher cette histoire-là, voilà, d’en faire des images et des sons, des souvenirs et des rappels, des ponts et des voies. Sur le faubourg du Temple, un peu en face de la rue où j’habite, un bâtiment refait il y a peu abrite l’OSE, et souvent je me suis demandé mais qu’est-ce ? Oui, il faut y voir car Elie s’occupait, dans les années soixante-dix, à Tunis de ces Oeuvres sociales pour l’enfance.

 

Il a écrit un livre de souvenirs, dit la notice wiki, aux Cahiers de la Méditerranée : il faudra les lire (il faudra se remémorer aussi d’ici : loin, dans le souvenir, la mémoire, n’avait-il pas une fille ? qui travaillait à la documentation française ? quelque chose dans cet ordre à mettre sinon au clair, du moins à la lumière : l’enquête commence en France, elle a déjà commencé, elle est là).

 

Les souvenirs de Tunisie, comme une espèce de litanie s’imposent et continuent à hanter (probablement) mes rêves.

 

Partir à la recherche de Montcizé ; des images et des photos du Boukornine vu de Crétiville

 

Car mes oncles, une génération suivante – je ne sais pas exactement mais F. devait avoir vu le jour dans les années 20 en Lybie, Tripoli si tu veux mon avis, il était par alliance ; L et G, et R et C (le deuxième prénom de C était R)

 

La forme.

Approcher une nouvelle esthétique, images et textes ; le blog la présence du virtuel, l’importance de changer de registre, le contemporain et le refus de l’oubli : le monde comme il était peut-être années cinquante, le numérique et les images dans le texte (Sebald) et le monde entier en un clic – le monde comme il est, comme il se présente 2015-2020 ici (la France) et là (la Tunisie) (ou l’inverse), des deux côtés de la Méditerranée – établir quelque chose comme l’union

 

Littérature écriture et photographie, d’abord.

Un livre (numérique évidemment aussi bien) mais un livre (blog tout autant, il faut y penser : un site sera réalisé pour rendre compte des avancées, non seulement de cette résidence, mais aussi des suites prévisibles qu’elle occasionnera : la pratique du numérique depuis de longues années possiblement aidera).

Des images oui, animées c’est moins sûr (on s’en méfie un peu : c’est un métier, et je ne le connais que mal ; quelques scènes peut-être, quelques voyages sûrement – ce qu’on voit du TGM par exemple côté gauche à l’aller et au retour, ces contraintes ; les heures passées, le petit matin surtout je suppose)

Construire ou rebâtir ce monde-là, le regarder comme on regarde celui d’aujourd’hui – des plans tout autant de Paris (revoir, essayer de revoir ces gens qui vivent encore sans doute aussi).

 

Il serait sans doute inconscient de passer sous silence la peur ressentie à la simple évocation d’une résidence (ainsi d’ailleurs se nommait le représentant, le protecteur, le résident général) et dans ce pays, de plus, dans ce qu’on peut nommer les « événements » des dernières années (pour emprunter au vocabulaire de mes toutes premières années). De jasmin ou pas, décret Crémieux ou non, il se trouve que cette position qui est mienne (juif, français, tunisien indissolublement) n’est pas spécialement disons facilitative de cette demande mais ne pas la  produire, pourquoi ? Et donc

 

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1 Comment

    pourtant… (ça c’est pour la dernière phrase)
    en tout cas, dommage, nous reste à en rêver