Pendant le weekend

Sur le bureau #57 (Artisteries 2)

 

 

 

Artisteries 2

Dans le cadre d’un travail mené autour du séminaire de culture visuelle ourdi par André Gunthert (intitulé la révolution expressive des images documentaires) j’ai pour but d’illustrer la parallèle qui unirait, dans la thématique du passage du cinéma du muet au parlant, d’une part The Artist (Michel Hazanavicius, 2011) de l’autre (illustrée par André) Singing in the Rain (Gene Kelly et Stanley Donen (pour les numéros de danse),1952). Je pose ici comme je poserai ailleurs des jalons pour la compréhension (en maison[s]témoin, explicitation des cartons, ou intertitres du film), peut-être, de ce passage et ce qu’il induit dans les comportements des divers acteurs et trices (au sens sociologique) du cinéma et notamment, donc, les comédien.nes.

Un autre article du dossier « Question de méthode » du site reprend la thématique étudiée : ce sont mes notes du séminaire précédent qui parlait, dans l’optique choisie (révolution expressive) du dessin animé (j’y reprend l’article cité plus bas).

Ici, je vais développer plutôt une aspect un peu différent de la thématique dont on discutera sans doute : il s’agit du son du film qu’il m’est échu d’analyser. Je ne reprends pas la narration du film (on en trouvera ici un résumé éclairant et conforme, il me semble). Simplement quelques considérations sonores.

The Artist est un film en noir et blanc, muet, mais la musique illustre et accompagne le déroulement de la narration.

 

Trois moments sonores.

  1. Le film débute par la projection d’un autre film (intitulé « A Russian affair ») : le tout se déroule à la fin des années 20 (un carton l’explique – le rythme des années se déroule par cartons interposés), 1927 pour être exact. Il s’agit d’une séance de cinéma, une première probablement, la salle est comble

sous le charme d’une narration haletante certes (les spectateurs et spectatrices sont habillés, comme on dit, en tenue de soirée)

mais soutenue par un orchestre (vivant, dans la salle, comme il semble que cela devait se dérouler en ces époques reculées – je savais un piano accompagnant les films : mais ici il s’agit d’une première et l’apparat l’oblige sans doute) : on voit ici au premier plan, le chef d’orchestre

et donc le son que nous, spectateurs et trices du film The Artist  entendons (musique due pour partie à Ludovic Bource, auteur des musiques de la plupart des films de Michel Hazanavicus) ainsi que ceux de la salle où est projetée cette affaire russe. Il y a là un procédé probablement assez retors qui confond les deux temps. Le film continue, se termine, et sous les applaudissements qu’on n’entend pas, mais qu’on devine par les mines, derrière l’écran, adoptées par les divers acteur et actrices

devient muet…

 

2. la scène du rêve
George Valentin rêve (on ne le sait pas encore)

il est dans sa loge, devant son miroir

il pose son verre sur le rebord

comment ? que se passe-t-il ? il repose le verre

celui-ci fait un bruit (celui, normal, d’un verre qu’on pose sur de la faïence)

wtf ? semble penser George – il fait tomber une brossette : même jeu

le monde entier est devenu sonore… mais quoi

qu’est-ce que j’entends? je parle mais n’entends rien

dit-il : mais aucun bruit ne sort de sa gorge…

pas possible

j’entends rien et pourtant je parle…! On entend le chien aboyer

on entend le téléphone sonner

(sur la couverture du magazine n’apparaît pas encore Peppy – c’eût été pourtant subtil de la poser là, dans le rêve, mais enfin passons) il crie : rien

il sort il a perdu sa voix –

qui se permet de rire de lui ? une

puis trois

puis douze

figurantes probablement, qui passent sans le reconnaître (l’une d’entre elles va même jusqu’à lui faire de l’œil, tu le crois ça ?) ? Comment, lui, la star, je suis Georges Valentin non ?

Que se passe-t-il ? Une plume volette

descend doucement

vers le sol

et là s’écrase dans un bruit immense

comme si un immeuble s’effondrait…

(AAAAArrrgggh !!!) (oreilles bouchées pour ne plus entendre ces bruits immondes) – cette horreur de bruit –

Fin du cauchemar.

Prémonition ? Il a perdu sa voix, mais entend les bruits bien plus puissants qu’ils ne sont, quelle est cette situation ? Quel est le sens de ce rêve ? Que nous indique-t-il ? La scène se déroule juste après que son producteur ait montré à George un test de film sonore.

 

3. La scène finale
Ils dansent la musique revient comme au début donc

puis restent ainsi pendant une bonne dizaine de secondes : ça provoque un effet, comme une image arrêtée. Puis les sons viennent, on entend le « cut » du réalisateur, les rires du producteur

qui en fait autant en parlant que muet – il est content, redemande une prise

George répond « avec plaisir » en français et la caméra s’éloigne, tout le monde en place, etc. et on a droit tandis que la caméra s’éloigne

aux traductions (en sous-titres…) des mots qu’on entend

surtout ceux-ci

sur tous les plateaux de cinéma ou de télévision du monde

Fin et générique de fin.

Tout est, semble-t-il, rentré dans l’ordre…

 

 

 

 

 

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6 Comments

    j’ai vu les premières lignes, je me suis dit oh attention, suis allée me débarrasser des longues corvées du matin et me dis, sourire vissé aux lèvres, qu’il faut que je revoie ce film (DVD dans la pile) qui m’avait un peu déçue à l’époque… étais obnubilée sans doute par des trucs extérieurs – en tout cas vous m’en avez donné forte envie… en attendant vais voir la maison témoin

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  • @brigitte celerier : merci à vous (et tous mes vœux vingt-vingt-deux !!)

  • Belle suite « image par image » (j’avoue que je n’ai pas vu le film, même si rediffusé il y a quelques mois, me semble-t-il, à la télé).

    On imagine un cinéma, en plus de l’absence de sons, sans images : il est vrai que Godard l’a expérimenté ! 🙂

  • @Dominique Hasselmann : j’avoue aussi que tu n’as pas manqué grand chose t’inquiète – malgré les oscars (ma chère…) les césars (eh ben !) à répétition obtenus, le film ne raconte pas grand chose… et ne parvient certainement pas à la naissance de la cheville de « Singing in the Rain » qui,lui-même auprès de « Sunset Boulevard »… (qui traitent cependant du même sujet) (sans parler du scénario dont il est une espèce de décalque tiède de « A star is born » (Georges Cukor, 1952) (cette merveille) – (scénario repris du même Cukor de 1932): ah la fin de James Mason…)

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