Pendant le weekend

divagation

Pour les Vases Communicants de Novembre, nous sommes très heureux d’accueillir Brigitte Célerier sur « Pendant le Week-end », tandis que Piero Cohen-Hadria, lui, est accueilli chez elle.

 

 

 

divagation

 

 

Intimidée j’étais, écrire ou dire je voulais ou devais, j’ai joué à pioche-mots – j’ai tiré : « hasard », et d’abord n’en ai pas voulu, parce que j’ai pensé aux jeux et à mon goût pour la défaite, et puis :

 

à la courte paille j’aurais voulu tirer ma vie, à la courte paille ne l’ai pas osé, pas totalement, et cela n’a rien changé,

 

au gré mon coeur, me suis absorbée dans des yeux, au gré mon coeur me suis bercée de voix, au gré mon coeur j’ai regardé des mains, et désiré, au gré mon coeur je me suis trompée,

 

au petit bonheur la chance, m’en suis allée dans une ville, au petit bonheur la chance j’ai voulu me perdre, et menée par mes jambes, guidée par mes yeux, j’y suis entrée, l’ai connue aussi bien qu’il m’était donné, y ai vécu comme le pouvais, et j’ai lu ce que je devais y voir, ensuite.

 

Me suis arrêtée là. J’ai eu peur d’essayer de penser.

 


 

J’ai cherché autres mots : « constitution », l’ai mis de côté – « framboise », j’ai fait la moue – « sérendipité », j’ai souri, hésité, pensé que ça suffisait – « danse », j’ai pensé que j’avais eu tant envie de danser, souvent, en regardant, et puis me suis souvenue :

 

dans la nuit, dans le noir, j’ai pensé qu’on ne me voyait pas, dans la nuit, dans la foule j’étais noyée, dans la nuit, dans la musique, je n’étais plus vieille, je n’étais plus petit bout de décor, dans la nuit, dans la joie, j’oubliais la réserve que devais aux autres, dans la nuit, dans un coin, j’ai fait un pas, j’ai senti la musique et j’ai dansé comme le fais quand je suis seule et que le corps le veut, et puis me suis perdue, j’ai dansé la solitude, j’ai trébuché la faiblesse et en ai fait un pas, j’ai dansé le sang en moi, j’ai dansé les basses de l’orchestre, j’ai dansé le bonheur vif, j’ai dansé le désespoir,  j’ai dansé son habitude, j’ai dansé la vie, j’ai dansé l’amour, tous les amours, j’ai dansé la joie, et sa fugacité délicieuse,  j’ai dansé rien, juste dansé, dans la joie des muscles, dans le plaisir du rien.

 

J’ai vu qu’un trou s’était ouvert, j’ai vu un jeune couple qui m’applaudissait gentiment, discrètement, j’ai vu le regard d’une contemporaine, j’ai dansé ma marche pour sortir de la terrasse, j’ai dansé la mer sur la terre battue et la jetée, et elle a chanté pour moi.

 

J’ai lu, fait la moue, una vez mas, me suis résignée à me contenter de cela.

 

 

 

 

 

 

Les autres Vases Communicants (encore merci, Brigitte, pour cette recenssion) :

Anne Savelli http://fenetresopenspace.blogspot.com/ et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/

Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/ et Daniel Bourrionhttp://www.face-terres.fr/

Lambert Savigneux http://aloredelam.com/ et Isabelle Butterlinhttp://yzabel2046.blogspot.com/

Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/ et Joachim Sénéhttp://joachimsene.fr/txt/

Marianne Jaeglé http://mariannejaegle.over-blog.fr/ et Olivier Beaunayhttp://oliverbe.blogspirit.com/

François Bon http://www.tierslivre.net/ et Bertrand Redonnethttp://lexildesmots.hautetfort.com/

Kathie Durand http://www.minetteaferraille.net/ et Nolwenn Euzenhttp://nolwenn.euzen.over-blog.com/

Landry Jutier http://landryjutier.wordpress.com/ et Jérémie Szpirglashttp://inacheve.net/

Anita Navarrete-Berbel http://sauvageana.blogspot.com/ et Lauran Barthttp://noteseparses.wordpress.com/

Juliette Mezenc http://juliette.mezenc.over-blog.com/ et Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/

Murièle Laborde Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com/ et Sam Dixneuf-Mocozet http://samdixneuf.wordpress.com/

Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/ et Scritopolishttp://www.scriptopolis.fr/

Arnaud Maïsetti http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?rubrique1et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/

Bonne lecture…

 

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7 Comments

    merci grandement

  • Ah je t’ai vu danser Brigetoun ! Merci.

  • je savais bien que c’était pas honnête, que j’aurais dû reprendre à zéro

  • C’est un de tes grands textes là Brigitte … qui m’a très
    très émue. Merci.

  • je trouve ce texte vraiment magnifique et très touchant, très beau fin et fragile aussi ; je m’y reconnais ce soir en tout cas , j’y reconnais ce jeu de la vie et de ce que l’on se donne à devenir, de ce que l’on se donne à vivre, dans la joie et l’amour de la vie qui palpite là toujours , j’aime beaucoup et le style retenu_ et intense aussi

  • Je vous ai lu. Je vous ai reconnu. J’ai apprécié. Je vous laisse le choix de tous ces beaux mots, je ne montrerai pas prolixe ce soir.

  • Je viens vous visiter souvent, ne sais pourquoi, je commente peu, curieusement intimidée, mais ce texte force ma réserve. Il dit le corps que la musique sollicite et habite. Et cela je le partage si fort. Merci