Pendant le weekend

Oublier Paris #50

Report des notes prises lors de la venue de Jean-Christophe Bailly à l’école spéciale d’architecture, le 15 octobre 2013.

(Je me suis souvent demandé ce que c’était que de travailler : une activité pour laquelle on est rétribué ? cette rétribution correspond-elle la location du corps et de l’âme du travailleur (de la travailleuse) ? Assister à une conférence, destinée à des élèves en architecture, est-ce un travail ? J’ai pris des notes, comme il se doit sans doute -j’avais en tête l’instruction- j’ai pris des photos -un téléphone dans une main, un stylo dans l’autre, et faites tourner la musique- c’est pour ne pas oublier ? En tout cas, ce boulevard Raspail qui conduit au lion -sous son manteau de bronze, vert- ce lieu-là, avec ses contre-allées emplies de voiture garées, bordés d’immeubles d’un chic, d’un prix, d’une classe, en tout cas ce boulevard qui mène à la porte d’Orléans, le boulevard Jourdan en son 106, la quatre cent quatre bleu -que je dédie ici, comme à Château Landon, à Maryse Hache qui s’en est allée voilà un an, en tout cas ce boulevard-là, cette ville-là, ces promenades-là me sont singulièrement spéciales, la rive gauche, plus haut que Montparnasse et son monde, avant de s’en aller vers l’Italie par sa porte, la ville-celle de la fin du mois de juillet mille neuf cent soixante- la métropole, la capitale, tout cela était là, et le soir, vers neuf heures, en sortant de cette école privée je me suis souvenu de l’une des idées -l’architecture- de travail que je fantasmais alors).

Au début, il n’y avait pas grand monde (dix neuf heures moins trois minutes) (l’une des caractéristiques du travail c’est la ponctualité)

Caractéristique ou contrainte.

Puis le monde est arrivé

par la porte du fond est entré l’orateur, la professeure qui l’avait invité

qui le présente, puis il prendra la parole.

Tout d’abord en expliquant la genèse de l’affiche qui présente la conférence. Ici, mes notes.

Revue Aléa n°2. Sur la ville.

La grammaire générative des jambes. Berlin portarit d’une ville. 1928. l’image chez Hazan. Publication.

La phrase urbaine.

Walter Benjamin, son texte personnel sur Marseille (poétique pas lu; autobiographique); un texte expérimental sur. Prise de haschich et déambulation dans la ville de Marseille.

Promenade, qu’est-ce que c’est ? Dévider le fil d’une pelote. Ca se bloque très vite et l’urbanisme, c’est la libération des noeuds de ce fil, du dévidement de la pelote.La promenade, c’est aussi un film dont on n’est pas vraiment l’auteur (on : le promeneur, la promeneuse). Un film qui ne serait pas monté cut mais en fondus enchaînés

(une trentaine de personnes écoutent; une autre professeure dira assez haut « heureusement que j’avais demandé à mes élèves de venir assister à cette conférence »; l’appariteur qu’on voit ici bord cadre à droite

aura allumé les jolies petites lumières sur le dessus des tables de l’amphi cinéma – sans doute pour aider à la prise de notes durant les projections de films).

Suite des notes (qui ont quelque chose à voir avec le cinéma et la photographie) (le travail est difficile, surtout si l’enjeu n’en est pas un, comme ici) (je continue cependant)

La ville cadre le mouvement du ciel (« on a coutume de dire qu’en ville on ne voit pas le ciel, mais il n’y arien de plus faux, le ciel est partout présent, crénelé, coupé détaillé figé délimité mais partout… » je cite de mémoire)

Puis les villes qui ont des rivières ou des fleuves (la vie d’une ville autour de sa rivière de son fleuve, aux abords, non loin, je me souviens de la Loire).

La promenade, c’est ce qui allie et fait se rapporter le solide au liquide, au fluide.

A Saint-Petersbourg : ville impérialisée monumentalisée créée de toutes pièces par l’édit du tsar Pierre un de toutes les russies, une architecture classqiue qui encadre et protège la Néva. Les nuits du solstice d’été mi-juin, mi juillet, la nuit ne dure qu’une heure, trois quarts d’heure parfois, les nacres du ciel, les beautés dans cette ville.

Yossim Brodski (je ne sais pas l’orthographier) citation : « la ville est filmée en permanence par son fleuve ».

Si le fluide n’est pas ménagé par le solide dans la ville, c’est là que l’architecture devient hostile.

Autre point : l’intérieur et l’extérieur; un besoin de se refermer sur soi-même, sur son propre monde, le rapport à la possibilité d’avoir un dedans, (un chez soi peut-être un petit intérieur comme une conduite avec des objets, quelques,  des lieux, quelques, où on se retrouve seul) un recueil de quelques objets pour soi à soi

Michel Courajoud :  » le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent »

A la centrale de Douai il n’y avait aucune possibilité de regarder l’horizon, il y avait partout où qu’on soit un mur qui en barrait l’accès; la prison c’est priver de liberté mais aussi priver de la possibilité de voir l’horizon (on n’en a pas on n’en a plus) (l’horizon c’est aussi l’avenir) : la ville c’est un lieu où les murs n’enmurent pas.

Da Roma, juste à côté de la piazza Navona, il existe une église qui se trouve sur une place, Santa Maria della Pace avec la possibilité de « sortir » de la place; (cette allégresse de trouver des lieux comme celui-là ménagé pour le promeneur, m’a fait penser à celle que décrivait Ariane Mnouchkine quand elle parlait de Patrice Chéreau qui « jubilait » disait-ellle devant une de ses propres mises en scène) (parce que c’est beau, juste pour ça)

La toponymie agit de la même manière sur le conférencier : il s’agit de micro-évasions (ce n’est pas que l’important, pour la ville et son promeneur, soit d’en sortir, mais quand même aussi).

Les rêveries du promeneur solitaire : l’épisode du chien, lorsque Rousseau (né en 1712, mort en 1778) (pour fixer les idées) s’en va herboriser rue des trois bornes (paris 11 de nos jours, ou L. et M. ont fait leurs entrées dans le mode scolaire, je me souviens) : c’est la campagne encore mi dix-huitième.

L’important c’est la logique du faubourg, du fil tenu sans noeud, de la phrase urbaine articulée (articulation de la promenade ou du discours sur la ville ou de ce qu’elle nous dit nous raconte de ce qu’elle a été ce qu’elle sera, on verra) (métaphore entre la ville et la phrase la littérature ou la grammaire en train de se faire « générative »; la promenade : « des jambes »).

Dans les villes constituées, toujours demeure l’aspect palimpseste(s), et stratification(s) historique(s).

Le premier écrit sur Paris, qui date du 4° siècle, est dû à l’empereur Julien, gouverneur de la Gaule (Julien dit l’Apostat ou encore le Philosophe).

Faire autrement que le discours de la nostalgie du patrimoine (mortifère) qui est un obstacle à la liberté (notamment de circulation et de mouvement)

La ville se souvient d’elle-même : par exemple Reims, on sait la cathédrale, mais on ne sait pas vraiment la bibliothèque financée par un milliardaire américain après la première guerre mondiale, édifice aussi exemplaire peut-être

Il y existe des strates historiques, mais point de balises : le passé remonte continûment

Interprétation du phrasé urbain : chorale au présent de la promenade, passé qui remonte, amis aussi quelque chose du présage de ce qui sera : des annonces (parfois peut-être menaçantes, parfois peut-être heureuses); la profondeur temporelle par exemple à Arcuel – en exemple Paul Chemetov qui connaît son quartier comme sa poche (moi aussi belleville si tu veux

Singularité : la promenade et le mystère de la tonalité locale; par exemple Nêmis et Arles deux viles proches tellement différentes (amphithéâtres etc.)

 

Citation de Franz Hessel (le père de Stéphane) dans Berlin années01926-28 :  » Ces lieux n’ont pas été assez regardés pour devenir visibles »

Travail de l’architecte urbaniste paysagiste etc type/fille qui s’occupe de la ville : la rendre visible en la rendant lisible; c’est aussi le mouvement du promeneur qui essaye de rendre le déroulement le dévidement de la pelote libre

La posture du promeneur JCB : comme une plaque sensible -à un autre moment, les zones « sensibles » comme s’il s’agissait d’un défaut- soi-même le devenir, regarder voir prendre peut-être

Enfin, les grands ensembles, la banlieue, les faubourgs : Mathieu Pernod.

Quelques questions dans la salle. Puis il sera neuf heures, on s’en va.

Encore quelques photos que je pose pour me souvenir, mais se souvenir, ne pas oublier le fluide et le solide, le fleuve (le Tibre et la Tamise, à Bruxelles il n’y avait rien qu’un canal, le Bosphore, la Corne d’Or, le Tage, se souvenir des belles choses, des bruits et des odeurs, du grain de la pierre du Panthéon de Rome, de l’amphithéâtre d’el Djem, l’absence des feux tricolores à Kélibia, se souvenir du soleil et de la pluie, marcher en ville et regarder, aller vers le métro, le préférer aérien, et continuer même s’il fait gris).

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5 Comments

    Merci de nous donner des facettes structurant cette rencontre – j’aurais été une auditrice de plus et passionnée.
    Je me demande : école privée boulevard Raspail – c’est l’Ecole spéciale d’architecture ?
    si oui, cette belle salle et des professeurs femmes ! loin de mon temps et des cinq filles pour une promotion d’élèves (et nous battions un record, pas très facile d’ailleurs à vivre) face à des « patrons » masculins ! (il est vrai que beaucoup de temps a passé)

  • Oui c’est cette école-là (en face de la fondation cartier, vous voyez ?)… Voilà des souvenris alors… Merci du passage

  • « Le passé remonte continument » … c’est si vrai. Il y a des endroits terribles où il prend à la gorge, d’autres où il nous surprend, mémoire collective, et la nôtre, sentimentale, émue, de revoir en sur-impression les silhouettes que nous ne croisons plus, et les traces, partout, de ce qui fut, au point n’est-ce pas ?, que nous avons parfois un vertige, à n’être qu’une strate temporelle de plus, pour le moment nous sommes le présent, mais déjà des bribes de nous n’y sont plus, nous avons bien déménagé, et la vie se surimpose à nous, et nous nous effaçons dans le passé …
    Suis passée suspendre la course du jour chez vous, encore une fois. Toujours avec le même bonheur.

  • oui, voilà, et déjà nous ne sommes déjà plus là… Merci de la visite et de vos mots

  • Merci pour le « compte rendu » (j’y serais bien allé mais autres obligations), et les phrases de Jean-Christophe Bailly – j’ai toujours son livre « Le dépaysement – voyages en France » sur ma table de nuit.

    Et tes photos prouvent que les téléphones sont bien utiles (on voit que tu en as changé !) en certaines circonstances.