Pendant le weekend

J’aime le cinéma

Ceci est un billet d’humeur. Chronique : je suis allé voir  « Léviathan » (non, pas le livre de Hobbes, non plus que celui de Paul Auster) d’un cinéaste (Andreï Zviaguinstev) primé à Cannes 2014 pour le scénario, et « Still the water » de Naomi Kawase (qui, elle n’a rien obtenu). Palmarès genré ? me suis-je demandé, puis j’ai pensé à autre chose.

Il y a dans le premier film une description de la Russie contemporaine (probablement, sans en tirer gloire ou fierté, je ne connais pas ce pays) mais le voyant, puis marchant suivant le métro

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puis en parlant, puis réfléchissant, puis continuant ma route, je me suis dit que, tout bonnement, ce film sinon produit, du moins autorisé, par le pouvoir en place avait quelque chose de l’état des lieux : André Malraux disait « Entre ici Jean Moulin… » et le réalisateur nous informe de la même manière. Ici, telles sont les moeurs. La réalité.

Je passe à la ligne.

Le maire ne sera pas inquiété, la femme (on dit « adultère » de nos jours ?) du héros sera violée et tuée (« un travail propre » demande le maire), un fonctionnaire propre sur lui accusera le mari qui prendra quinze ans de prison pour ce meurtre. Point barre. La Russie. On ne verra pas les poivrots (tout le monde boit, là, tout le monde est à égalité, comme un gimmick : une horreur) faire des cartons sur les photos des anciens dirigeants (j’ai reconnu Lénine, y avait-il Staline ?, peut-être Gromiko, je n’ai pas vu Kroutchev, il y était peut-être, il y avait Brejnev et Gorbatchev). On verra une baleine enfler, sortir de la mer (il semble qu’elle soit de Barents, dit le synopsis) sous les yeux en pleurs de cette femme qui va mourir. On verra le petit garçon (qui n’est pas son fils) assis sur un rocher devant le squelette d’un cétacé (une autre baleine probablement) : le léviathan en question, peut-être. Peut-être une allégorie de la vieille Russie des Tsars, ou de celle des communistes ? Inutile de chercher.

Le reste du monde : l’Asie, le transsibérien, « Crime et Châtiment ». J’ai regardé les diverses photographies faites ces jours-ci.

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J’ai écrit à la ministre pour l’informer de la mort de ces gens, qui partent emportant avec eux leur mémoire et leur savoir-faire. J’ai continué à marcher dans les rues. Le soir, le soleil descend, et on oublie un peu le temps ou l’espace de plus en plus court où il brille encore.

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Si je suis à ma fenêtre j’aime à déceler la présence des aéronefs (ensuite, je les imagine et je les repeins un peu)

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Descendre, la nuit, Jean-Jacques Pauvert a tiré sa révérence quand on était en Italie (j’ai mis une photo de grains de raisin, en première page, pour me souvenir), Christophe Grossi sort un livre « Ricordi » à l’Atelier Contemporain,

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et comme on adore l’Italie, on va aller se l’offrir (mais pas tout de suite, on n’a pas de sous) :  je parlais tout à l’heure avec l’ami Francki, il semble que la gestionnaire soit victime d’un burn-out dont la fréquence de plus en plus grande fait comprendre, tout de même, que ce monde est de plus en plus inutilement cruel avec ceux qui le servent – ceux qui ne le servent pas sont déjà morts, ou bientôt; cette manière d’envisager les choses (j’entendais ce matin une journaliste qui disait que c’était normal que les jeunes gens qui entrent dans un journal travaillent « comme des bêtes » : personne n’a réagi…) de trouver le travail normalement cruel, blessant quand il n’est pas mortel est un signe de notre temps. Ajouter à cela que le fils d’un ex-syndicaliste à présent lui-même à la tête du même syndicat (c’était le CNPF de si sinistre mémoire, il s’agit maintenant du MEDEF) préconise pour sortir de ce qu’il nomme sans honte « la crise » de faire cesser cet ignoble avantage que représente le salaire minimum, à quoi il est bon d’additionner d’autres attaques abjectes contre le code du travail, on aura le tableau de l’efficacité et du profit. Un tableau rouge sang.

Je vais à la ligne.

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Ici, le bâtiment va, merci : le Philharmonique se construit (devis 173 millions d’euros; facture aujourd’hui : 380 millions) . En hiver, on pourra aller y écouter de la grande musique (en même temps, il n’est pas complètement avéré qu’il en soit de la petite). Non, le monde va bien : le premier ministre « aime les entreprises », que demander de plus ? J’ai avancé dans la lecture du livre bilingue de Conan Doyle, j’ai fini de lire l’Aiglon (Octave Aubry, Fayard, 1932), ce prénom m’a fait penser à ce film de Renoir (il y interprète un prénommé Octave), « La Règle du Jeu » (1939).

Le froid est descendu sur Paris, ces derniers jours. Le métro qui va à Barbès nous a reconduit au Louxor (salle municipale).

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Le film de Naomi Kawase, « Still the water » est juste une merveille. Une jeune fille va perdre sa mère, elle rencontre un jeune homme et l’aime. Voilà tout : une merveille.

Le lendemain matin, il y avait une porte ouverte, au cent quinze peut-être du faubourg. Je suis entré, j’ai pris un cliché, je suis ressorti.

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Je n’ai pas attendu que les nuages arrivent, que le vent se lève, que le froid me prenne la gorge, les mains, je suis rentré à la maison, j’ai ouvert un livre, je ne sais plus lequel. Dehors, il y avait les journaux plein de ces décapitations, de ces guerres,  ces disparitions, ce n’était pas dehors, c’était juste sur l’écran, mais dehors, j’ai voulu imprimer une lettre (au musée de l’histoire de l’immigration) mais l’imprimante s’est mise hors jeu. Terminée. Il a fallu en acheter une autre (soixante dix euros), où le vendeur demande d’imprimer le code barre : amusant, ou burlesque, peut-être, j’ai fait un cliché

commande fnac

le type à l’accueil a mis son laser dessus, pas réussi à le lire « pas assez de lumière » a-t-il laissé tombé, je lui aurait bien mis une pêche, vraiment, mais je n’ai rien dit, il a réussi à écrire les neuf chiffres du code, j’ai attendu, pris livraison suis revenu et ai branché l’outil.

Je suis fatigué, tu sais. Très. Mais heureusement, parfois, quelques fleurs

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parviennent à me réconcilier, un peu, à peine, avec mes contemporains.

 

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2 Comments

    J’ai beaucoup de livres édités par Pauvert. Finalement il aura partagé son nom sur la couverture avec de grands écrivains (il était peut-être le « nègre » de certains ? Je plaisante).

    Pour Léviathan, le réalisateur a peut-être réussi à faire de l’entrisme dans le système (je ne l’ai pas vu).

    Pour Still The Water, lu des critiques mitigées (la fin trop longue, etc.), pas vu non plus.

    Le cinéma est aussi dans les rues.

  • Je me pose des questions pour Léviathan vraiment : l’entrisme, c’est certain mais c’est insuffisant; il me semble que le discours du film est celui du pouvoir. Point barre. Mais je me trompe peut-être : si tu vas le voir, tu me diras ce que tu en penses (en réalité il s’agit d’un polar noir, mais comme il n’est pas US mais ex-URSS, il a quelque chose d’un peu différent). Je te conseille de voir les deux films.