Pendant le weekend

Journal de l’Air Nu (# 12, 12bis, 14) – pour mémoire

 

12.Vendredi 27 mars 2020 (3 avril 2020) (feu mélico)

le texte qu’écrivait Aldo Moro dans son six mètres carrés de confinement – ce mot plutôt pourri – (intitulé Mémorial, plus de cinq cents pages, dit-on, demeuré inédit incomplet perdu jeté déchiré) tu sais comment ça s’est terminé, le 9 mai son corps revêtu de son costume foncé, sa chemise blanche mais sans sa cravate, peut-être avait-il un peu maigri les jambes repliées dans le coffre de la 4L rouge (à l’image) immatriculée Roma NS 7686 – sur l’image : à quoi peut bien servir cette précision dans le détail ? et le numéro du châssis ? à presque équidistance de la piazza del Gésu et de la rue des Boutiques obscures – ce texte était intitulé Mémorial (un mail à la matrice du treize-onze) – Kissinger qui laisse faire (Aron, Ray, dont on lit les mémoires, n’en dit pas un traître mot : on voit le bord sur lequel il se tient) – la question de savoir si on intitule du mot de terroriste les gens des brigades rouges : l’humanité, cette espèce qui se cherche, qui s’honore (les élites politiques italiennes s’intitulent entre elles « onorevole », ici on donne du « président » à n’importe qui), dans une certaine dignité, les rôles qu’il lui faut tenir, le tragique de ce garage, ce matin du 9 mai soixante seize et la mitraillette qui s’enraye – le film de Bertolucci (non Bellochio) je crois à ce sujet* – pas vu ça viendra – vu Le traître cependant – « kick your shoes off » dit la chanson magnifique (« I’ll be your baby tonight », tu sais que parfois le nobel assure quand même un max – ou alors envoie grââââve du pâté – ou du bois c’est selon) chantée par Norah Jones, retrouvée dans les musiques que mes filles ont enregistrées (« that big flat moon will shine like a spoon » aussi remarque) du temps (rare) où elles restaient seules à la maison probablement – les parents au boulot des années deux mille) – l’accident avec Leboeuf lancé à 3 à l’heure au rond-point carrefour Dunkerque-Trudaine-Rochechouart –

* : «  Buongiorno, notte » (Marco Bellochio, 2003) ; add. du 2avril : le Chasse-Clou vient de m’informer qu’il possédait le disque du film – on en prendra donc connaissance bientôt

je dispose de deux mardis 24 mars dans ce texte – la numérotation, la pagination, le travail du scribe – l’association libre – adoré lire ça :
« Je suis née à 4 heures du matin, le 9 janvier 1908, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail. »
Elle s’achève 2 500 pages plus loin sur une autre, très mémorable, écrite en 1980 juste après la mort de Sartre :
« Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C’est ainsi ; il est déjà beau que nos vies aient pu si longtemps s’accorder. » Simone de Beauvoir

(cité dans un numéro de « En attendant Nadeau » de 2018 relatant une critique des deux tomes gigantesques de la biographie de cette autre Simone qu’on aime tant) (à ce propos j’ai retrouvé tous les fichiers de mélico, dont celui de l’entretien avec Simone Mussard, l’une des premières libraires de la fnac livres (première du nom) de la rue de Rennes, qui vivait sur le boulevard Raspail, rez-de-chaussée sur petit jardin – que je vois, ici, maintenant et je me revois avec mon amie Mijo allant la trouver et nous entretenir avec elle – de même que je me souviens de ma rencontre avec Marie-Claude Char, au café Bonaparte non loin de chez Jean-Paul Sartre soixante ans avant, dans le même bloc (ou pâté de maison) où vivra ensuite Marguerite Duras) (mélico – cette mémoire et ce gâchis – ça me blesse tellement si tu savais)

et tous les artistes venus là en résidence soit Anne Savelli (et les Oloés à (re)paraître chez publie.net), Philippe Annocque, Thierry Beinstingel, Pierre Ménard, Martine Sonnet –

tout ça en italique – tout ça retrouvé sur le disque dur – le truc a du bon (il y a probablement toujours quelque chose de bon à tirer de quelque événement) : on prend du temps pour faire ce qu’on doit faire et qu’on remet toujours à plus tard –

 

12 bis. Samedi 28 mars 2020 (Zorglub avait raison)

Goldfinger avait raison – ou Zorglub – (les vrais méchants qui font chanter les bons et en attendent une bonne rançon) il suffit de faire peur et tout le monde se planque – ou alors ils ont gagné ? – ils vont dévaliser Fort Knox ? – on espère que la réflexion viendra à la nature humaine – on va déplanter le figuier et le poser au coin du champ (documenté) – on va faire avancer le bazar – on a fait du pain perdu – la journée est difficile – j’aurai mis ici une image de moi prise devant le mur du boulevard Voltaire d’Asnières – des images de moi, il n’en est que peu, mais il y a peu un jour pour montrer mes nouvelles lunettes à ma fille, je fis un portrait que je ne lui envoyai pas avec mon téléphone et je me suis trouvé une tête d’arabe (un peu comme l’un de mes oncles, non grand-oncle) (si ça veut dire quelque chose ?) – je crois que l’image subsiste : si un jour j’en ai le culot, je la poserai (ça me paraît douteux) –

bien sûr les choses sont assez différentes, le développement d’une esthétique un peu autre (l’écriture soutenue par des images ou illustrée ou blog) – la vie change – on annonce six semaines de confinement sans doute – pour le moment quatre – (la signature du premier ministre a quelque chose d’un peu étrange (commence-t-on une signature par son prénom ? est-ce une loi ? pour les femmes probablement – le geste est-il genré ?) (en italien, la firma) (le livre que je n’ai jamais fini dans la bibliothèque de l’entrée que j’avais construite) (peut-être dû à une Béatrice – ou peut-être Bérénice ou encore Bénédicte) : elle se trouve au bas de la lettre de mission pour le musée-mémorial – lecture finie – ici on mettrait l’image d’icelle) (pas de la lecture, de la firma à Philippe) (deux prénoms pour un nom comme un pseudonyme ou un enfant de l’assistance – sans rapport : le petit Doisnel sur la plage qui jouxte la maison de correction)

Léos Carax, Jean-Pierre Léaud, Pierre Richard à Mar-del-Plata dit la légende de l’image

 

(ici on mettrait l’image – il se peut qu’elle se trouve quelque part sur le bureau – mais non) (add. du jour : j’en ai mis une autre (NDC) – je pensais à B. dans sa chambre, à l’Ephad, quatre vingt huit ou neuf, je ne sais plus – les exemplaires de son Larousse en dix volumes dans la bibliothèque de la salle du salon à Paris couverture de cuir vert – je pensais à ces trois volumes d’encyclopédie dans la maison de Carnac que je ne reverrai plus avec ces petits dessins explicatifs – cette esthétique-là…

 

14. Dimanche 29 mars 2020 (5 avril 2020) (la Bourboule)

en sommes-nous arrivés au stade suprême, le plus achevé, de l’individualisme ? Les vieilles gens meurent seules – je pense à B. – je pense à son fils et à ses autres enfants – et personne ne se révolte, personne (pas même moi) ne s’élève contre cette attitude ignoble qui impose une fin de vie solitaire, muette douloureuse inhumaine sans compter l’incompréhension ressentie par les aliénés comme on ne dit plus, la santé (la notre évidemment) d’abord – il y a quelque chose de tellement pourri dans cette façon de penser d’abord à nos approvisionnements, à nos masques de mettre en lumière la performance de ces trains à grande vitesse qui transportent ici ou là les malades : les vieilles gens meurent seules – je pense à M. dans son appartement d’Alibert – les amis des cheveux blancs : zéro nouvelle… on ne peut pas faire l’impossible non plus – le pire est à venir disait l’autre embarbé hier soir – ah oui ? pour qui ? tu sais quoi, il fait gris et il fait froid, une heure nous a été retirée (et pourquoi ? faire des économies de pétrole, pour comprendre la vraie importance des choses) – dieu merci (comme disait ma grand-mère) je n’ai pas la télé – à la radio on a remplacé un ignoble par un idiot (je ne capte que celle de l’état – plus pour longtemps d’état d’ailleurs) la Sybile successeuse de mon chou (la reine du karaoké et lui le roi de l’okoumé : qu’est-ce qu’il devient ?) va mettre dans cette maison ronde bien de cet ordre qu’on lui a inculqué en torsion de neurones dans ces écoles magnifiques que le monde entier nous envie – l’envie, oui (ah Johnny et JJG)) –

on allait téléphoner à la poste, elle se trouvait sur les bords de la rivière – ou du canal – qu’il y a à la Bourboule – je ne sais pas – je serais allé voir tu vois – l’organisateur des choses numériques m’a envoyé un texto : deux euros pour cinquante méga ça vous tente? dites oui par retour de sms – on ne se réjouit de la disparition de personne – il fait un temps d’est, on se couvre et on marche – on tente de comprendre sa chance – le souvenir de la nuit du lundi au mardi

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2 Comments

    non mon moral qui pointait le nez timidement ne va pas re-sombrer dans des tréfonds fangeux – en reste au 14ème et au sourire qu’il a fait naître (souvenirs autres mais chers et assez toniques même quand pas gais)

  • Sincèrement, je pense que Jean-Pierre Léaud (The Last) aurait dû arrêter de tourner à un moment donné.. 😉